À la recherche du père
Le 27 décembre 2011
À mi-chemin entre le néoréalisme et le documentaire, Corpo celeste excelle dans l’art d’imager le doute sans vraiment le transmettre. Une belle tentative qui aurait gagné à creuser en profondeur.
- Réalisateur : Alice Rohrwacher
- Acteurs : Anita Caprioli, Yle Vianello, Salvatore Cantalupo, Renato Carpentieri, Pasqualina Scuncia
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Français, Italien, Suisse
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 28 décembre 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2011
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Résumé : Marta scrute sa ville natale en Calabre, où elle vient tout juste de rentrer avec sa mère et sa sœur, après avoir grandi en Suisse. Du haut de ses treize ans, elle se sent comme une étrangère dans cette Italie du Sud dévastée. Elle a maintenant l’âge de faire sa confirmation et le catéchisme est le meilleur endroit pour tenter de s’intégrer. Mais loin de ses rêves "célestes", elle ne fait qu’y découvrir les petits arrangements de la communauté.
Critique : Première réalisation cinématographique d’Alice Rohrwacher, Corpo celeste est un film fresque, peint à l’ombre de l’adolescence et à la lumière de Dieu. Le lieu de l’ouvrage ? Reggio de Calabre, à la pointe de la botte italienne. Revenue à treize ans sur ce bout de terre qu’elle ne connaît pas, Martha entreprend une expédition de reconnaissance. Perchée sur les toits et tapie sous les ponts, elle observe les formes et contours de cette ville génitrice. Une minutieuse attention qu’elle porte sur la ville, sur le monde qui l’entoure mais aussi sur son corps, en pleine mutation.
- © Ad Vitam
Tout change pour Martha. Face à tant d’inconstance, elle se tourne avec force et conviction vers l’immuable corps céleste. Elle le cherche seule, en silence, presque à distance de sa communauté chrétienne. Car ici, la religion est plus affaire de politique, de statut social et de marchés de dupes que de véritable foi. Et très vite, Martha va comprendre que ce n’est pas à l’Église qu’elle trouvera des réponses à ses questions, mais bel et bien dans le monde extérieur. Abandon, solitude, malaise, Corpo celeste est avant tout une histoire de passage, celui de l’enfance à l’âge adulte. Une difficile transition doublée de pauvreté, d’exil et de l’absence d’un père, céleste comme terrestre. Une gravité que la jeune fille porte littéralement sur son visage, filmée de très près par la réalisatrice, comme pour mieux signifier sa quête de pureté, son trouble devant l’imperfection de l’être humain. Une présence scintillante de la jeune actrice (Yle Vianello) dont les apparitions suffisent à mettre en lumière les péchés des autres. De cette incarnation mutique de Martha, faite de colins maillards divins, de visages tendus vers le ciel et de prières maladroites acharnées, éclot une image blanche, froide, mystique, presque désincarnée. Une quête d’immatérialité visuellement cassée par la régularité tranchante de l’architecture ’’hospitalière’’ de ces églises modernes à bas prix.
- © Ad Vitam
Chaque envol de Martha est marqué dans le plan par un retour sur terre dont le mouvement déclencheur est toujours l’irruption d’un corps humain. Que ce soit la gifle de l’enseignante de catéchisme, les propos haineux de sa sœur, ou le meurtre arbitraire des chatons de la paroisse, il s’agit toujours d’un geste, bas, médiocre et profondément humain. Seul le corps maternel est encore lieu de refuge et de chaleur dans cette région béton. Et dans ces paysages industriels de l’Italie des années soixante portant encore les stigmates d’une modernisation accélérée et avortée, Martha erre à la recherche d’un miracle de beauté. Si l’esthétique glacée du cadre et l’introversion de la mise en scène élance le film vers les hauteurs célestes, le récit, pris à son propre piège, laisse toutefois à distance un spectateur fatigué de ces scènes qui traînent en longueur. Trop rares, les quelques passages marqués de révélations (le face-à-face de Martha et du prêtre des montagnes présentant Jésus sous l’angle de la colère et de la violence, le vol du crucifix et sa chute dans les eaux profondes) permettent néanmoins de rythmer l’intrigue. Un beau sujet malgré tout, sur la foi, l’omnipotence de la religion, et la facticité de rituels ’’strass et paillettes’’ dans une Italie du Sud en souffrance, abandonnée quelque part entre modernité et traditions.
- © Ad Vitam
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