Comme un torrent - Vincente Minnelli - critique

Critique : De même que Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann, film événement de l’année 1953 (huit Oscars), Comme un torrent est tiré d’un best-seller du romancier américain James Jones. Il était donc presque normal, en tout cas justifié, d’y retrouver Frank Sinatra, inoubliable cinq ans plus tôt dans le rôle d’Angelo Maggio. Et tout aussi excellent ici, en ancien héros de la guerre peinant à reprendre ses marques dans un endroit qu’il croit "chez lui" mais dont il avait oublié l’étroitesse d’esprit et l’hypocrisie.
Il faut prendre Comme un torrent pour ce qu’il est, un grand mélo comme Hollywood savait si bien les faire, mais dont les codes nous paraissent aujourd’hui un peu désuets. Abordant ce genre, Minnelli y utilise les recettes qui ont fait son succès dans les comédies musicales : une esthétique impeccable et un travail époustouflant sur les couleurs. La scène de la fête foraine, rouge comme le sang, bouillante de vie et de lumière (Minnelli dit s’être inspiré de l’intérieur d’un juke-box), restera dans les annales comme un archétype de sa virtuosité. Mais ce n’est pas tout. Le film a été tourné en CinemaScope, format dont le réalisateur s’est servi en orfèvre. Dans certaines scènes, ses personnages sont relégués chacun à un bout du grand écran pour bien montrer les énormes distances psychologiques et émotionnelles existant entre eux. Ailleurs, par contraste, l’écran explose de vitalité, semble trop exigu pour y faire tenir tout ce qu’il y aurait à voir. L’image, donc, est utilisée à son maximum pour expliciter le propos du metteur en scène. Si tout cela ne fait pas une leçon de cinéma...