Etats de crise
Le 19 octobre 2013
Cinq ans et des valises de médailles après L’assassinat de Jesses James par le lâche Robert Ford, Andrew Dominik continue de penser que le crime n’a jamais désuni les États d’Amérique. Bien au contraire.
- Réalisateur : Andrew Dominik
- Acteurs : Brad Pitt, Ray Liotta, James Gandolfini , Sam Shepard, Richard Jenkins, Ben Mendelsohn, Scoot McNairy
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h37mn
- Date télé : 22 juillet 2024 22:43
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Titre original : Killing Them Softly
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 5 décembre 2012
- Festival : Festival de Cannes 2012
Résumé : Lorsqu’une partie de poker illégale est braquée, c’est tout le monde des bas-fonds de la pègre qui est menacé. Les caïds de la mafia font appel à Jackie Cogan pour trouver les coupables. Mais entre des commanditaires indécis, des escrocs à la petite semaine, des assassins fatigués et ceux qui ont fomenté le coup, Cogan va avoir du mal à garder le contrôle d’une situation qui dégénère…
Critique : Pendant que Costa-Gavras installe la crise économique dans les fauteuils en cuir sombre des armées d’anonymes sauvages mais bien peignés qui l’ont précipitée, le Néo-zélandais Dominik abandonne les coulisses de la mythologie américaine (adieu Terrence Malick, adieu Gonzague Saint-Bris) pour répéter le même schéma à l’échelle de la criminalité municipale. Envoyant paître les mafieux passionnés de Scorsese, souvent rattrapés par leurs illuminations où le système paradoxal de leur propre microcosme, le réal kiwi le plus habité (et le plus classieux) après Saint-Peter Jackson, cherche à nous montrer que l’argent, bien ou mal acquis, reste l’opium des opiums, et le carburant du système des systèmes au sein d’une Amérique qui ne saurait supporter tranquillement sa dérégulation sans risquer de mettre à mal ses mécanismes fondamentaux. Trader ou braqueur, il faut penser corporate. Voilà donc l’histoire d’une petite entreprise qui connait la crise et cherche à la digérer avec des canons sciés, en somme.
Toujours aussi puissant lorsqu’il freine ses envies de filtres rongeurs d’image, ses mises au point partielles largement récupérées par la moitié des faiseurs indé contemporains, ou ses énormes besoins de gros plans ralentis (il doit surement exister une société des ralentisseurs anonymes), Andrew Dominik - accompagné d’une photo joyeusement cadavérique - fait déborder ses plans d’angoisse blanche en jouant la montre, et réussit à être aussi implacable qu’un Brad Pitt (Jackie Cogan) paralysant de justesse. L’ambiance n’est pas à la fête du calibre, mais au règlement de compte dépassionné. Et si la pègre locale a des allures de PME du jeu d’argent, autant vous dire que sa DRH (missionnée par un employeur aussi invisible qu’un plan quinquennal) n’est pas du genre à distribuer les préavis au moment de balayer les cinglés incompétents qui menacent l’équilibre du bilan trimestriel. De ce côté-là, Dominik cumule les bons points. Il faut être doué pour densifier la moelle d’une œuvre qui, entre désolation urbaine, médiocrité lancinante et small talk administratif, pourrait faire descendre à zéro le palpitant de plus d’un spectateur. Mais l’homme a le sens du rythme, et travaille ses rares points de violence avec assez de radicalité et de savoir-faire pour que toute la montée en régime précédent l’impact prenne un sens nouveau. Non, le problème de Dominik est ailleurs : cet homme est venu au cinéma après Tarantino.
Thriller au cynisme charbonneux, Cogan est aussi une comédie bavarde qui accumule les petits dialogues entre gangsters alcooliques, mal mariés ou finis au white spirit, avec un sens du dérisoire que Quentin a déjà porté au pinacle longtemps avant Andrew, sans qu’aucun match critique ne soit envisageable . Et ne parlons pas des Sopranos, largement cités par James Gandolfini lui-même, et un script dont l’humour ne frappe juste qu’en de rares occasions, synthétisées par les rendez-vous automobiles (la plupart les scènes clés de la chose se jouent dans des habitacles) de Jackie le nettoyeur et d’un délégué de la direction chargé de transmettre ordres inadaptés à la réalité du terrain et briefings sur les coupes budgétaires. Chaque billet vert compte.
Prises dans un système global de banalisation criminelle, qui sanctionne les amateurs et récompense ceux qui ne font que leur travail, ces quelques séquences à la Robert Merle 2.0 justifient les ambitions d’un Andrew Dominik visiblement ravi de filmer ce capitalisme appliqué au monde des tueurs mandatés, mais font surtout rejaillir les longueurs programmatiques du reste, qui ne sait souvent pas choisir entre l’exposé clinique et le brûlot naïf. Cogan sera un film important pour son réalisateur, mais certainement pas central dans sa carrière.
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Pierre Vedral 9 décembre 2012
Cogan : Killing Them Softly - Andrew Dominik - critique
Des dialogues tarantinesques et des acteurs dans le ton à l’intérieur d’une amérique ténébreuse sur fond de crise économique. Dommage que "Cogan" sentent parfois le déjà vu et se termine sur un petit goût d’inachevé. Un peu plus et on tenait là un très bon film.
roger w 17 avril 2013
Cogan : Killing Them Softly - Andrew Dominik - critique
Un thriller inintéressant, dépourvu de la moindre action et parfaitement soporifique dans sa manière d’enchaîner paresseusement les scènes de dialogues en champs / contre-champs. Et puis, entre les Coen, Tarantino et Scorsese, le coup des gangsters branquignols, bavards et philosophes, on commence à connaître. Franchement médiocre.
vanhzexen 22 mai 2014
Cogan : Killing Them Softly - Andrew Dominik - critique
Arrogant, prétention, bavard et contemplatif...
Une ode à tous les seconds rôles américains qui apparaissent la plupart du temps dans des films de gangsters.
Au final c’est totalement subjectif. Je n’aime pas.