Prisonniers du désert
Le 29 septembre 2006
Malgré quelques ratés, un coffret indispensable se penchant sur des films méconnus du grand Antonioni.
- Réalisateur : Michelangelo Antonioni
- Acteurs : Monica Vitti, Massimo Girotti, Richard Harris, Gino Cervi, Lucia Bosè, Ivan Desny
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Box-office : 65.892 entrées France (Chronique d'un amour)
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– Le désert rouge (Il deserto rosso), avec Monica Vitti, Richard Harris, 2h, 1964, lire notre critique
– Chronique d’un amour (Cronaca di un amore), avec Lucia Bosé, Massimo Girotti, 1h37mn, 1950
– La dame sans camélias (La signora senza camelie), avec Lucia Bosé, Gino Cervi, 1h35mn, 1953
Notre avis : Quelques mois après l’indispensable ressortie en salle de Profession : reporter, Antonioni revient sur le devant de la scène avec ce luxueux coffret DVD signé Carlotta. Chronique d’un amour et La dame sans camélias sont antérieurs au Cri, film de la rupture où l’œuvre antonionienne s’émancipera définitivement des carcans narratifs traditionnels. Chronique d’un amour subvertit la grammaire cinématographique de manière relativement discrète. Le premier tiers du film, une enquête en creux, s’avère particulièrement moderne dans sa démarche. S’y distinguent déjà une certaine poésie de l’image et une volonté du cinéaste d’exclure ses personnages au bord du cadre afin de mieux donner à ressentir le vide environnant. Le reste du film est bien plus conventionnel, puisant le gros de son intrigue dans le mélodrame passionnel. Chronique d’un amour n’en reste pas moins parfaitement maîtrisé pour un premier film.
Dans La dame sans camélias, Antonioni se tourne vers le monde du cinéma, miroir aux alouettes en même temps que magnifique obsession. Le sujet est intéressant, mais le film paraît étonnement verbeux. Heureusement que Lucia Bosé, déjà présente dans Chronique d’un amour, apporte une belle consistance à son personnage. On retiendra particulièrement la fin, subtilement pessimiste, où le cinéma s’impose comme l’art du renoncement et de la compromission. Œuvre mineure, sans doute, mais néanmoins digne d’intérêt.
Enfin, il y a Le désert rouge, le film de la consécration artistique (il a remporté le Lion d’or à Venise en 1964). Les obsessions plastiques et narratives du cinéaste y atteignent une symbiose parfaite. Pour représenter la réalité telle qu’elle est vécue par son héroïne névrosée (Monica Vitti, inoubliable de beauté, dans son plus grand rôle), Antonioni, épaulé par le chef opérateur Carlo Di Palma, se livre à un travail maniaque sur les couleurs. A la fois vives et exsangues, celles-ci retranscrivent de manière saisissante la beauté ambiguë de ces paysages industriels, vampirisant la nature tout en la sublimant. Ni condamnation, ni fascination : Antonioni enregistre les mutations de l’environnement, et c’en est insupportablement beau. Dans sa perfection plastique et sa volonté de renouveler les schémas narratifs, Le désert rouge demeure une expérience presque unique dans l’histoire du cinéma et l’une des plus grande réussite de son auteur.
Le coffret 3 DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater
La plupart des suppléments se situent sur le disque du Désert rouge, également vendu à l’unité. Le désert et l’oasis est une lecture d’un texte de Jean-Louis Comolli (paru dans Les Cahiers du cinéma en 1964), accompagnée d’extraits du film. Le procédé est plutôt ingénieux et les extraits bien choisis. Quant à l’analyse, elle est pertinente et précise. Dans Le(s) sens suspendu(s), une enseignante de cinéma analyse les procédés de mise en scène d’Antonioni, et en particulier en quoi Le désert rouge semble obéir à une représentation purement plastique des états d’âme de l’héroïne. On peut également retrouver un entretien d’époque (11 minutes), plutôt instructif, où Antonioni explique ses partis pris de mise en scène, ainsi que quelques rushes inédits du film.
Exclusif au coffret, un documentaire de 55 minutes, Michelangelo Antonioni, le regard qui a changé le cinéma, retrace la carrière du cinéaste à coup d’anecdotes et d’explications en se basant sur des images d’archives. L’intention est louable, même si les propos paraissent trop expédiés pour convaincre pleinement (des films majeurs comme L’avventura ou La nuit sont traités en quelques minutes). Enfin, le DVD propose également deux courts métrages, Nettoyages urbains et La rayonne (dont les images préfigurent les paysages industriels du Désert rouge), absolument indispensables pour mieux comprendre l’univers du cinéaste. Dommage qu’il y ait quelques soucis au niveau de la finition : une seule bande annonce (La dame sans camélias), pas de menu de sélection des chapitres pour La dame sans camélias et Chronique d’un amour, et aucune filmographie (ce qui est tout de même un peu gênant pour un coffret DVD consacré à un cinéaste). Quelques ratés qui ne sauraient faire oublier le soin éditorial apporté à cette édition Antonioni.
Image & son
Les trois films sont présentés dans des copies propres. Chronique d’un amour et La dame sans camélias offrent un beau noir et blanc. Quant au Désert rouge, on est heureux de pouvoir le (re)découvrir dans ces conditions, les couleurs ressortant parfaitement. Toutefois la définition de l’image est légèrement imprécise, un peu floue. La déception est de taille car on était en droit de s’attendre à une édition techniquement irréprochable pour un tel film. Carlotta nous avait habitués à mieux. Les films ne proposent que des pistes sonores italiennes, de qualité, avec un sous-titrage désactivable.
Galerie photos
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