Enfance perdue
Le 5 mars 2015
Parabole sociale, film d’anticipation SF, actionner dévastateur à l’intertextualité geek inondant jusqu’au découpage et succession de plans "idéos-poétiques" : Chappie c’est tout ça... voire même un peu plus !
- Réalisateur : Neill Blomkamp
- Acteurs : Sigourney Weaver, Hugh Jackman, Dev Patel, Sharlto Copley, Jose Pablo Cantillo
- Genre : Science-fiction, Action
- Nationalité : Américain, Mexicain
- Distributeur : Sony Pictures
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 28 octobre 2024 21:00
- Chaîne : Syfy
- Titre original : Chappie
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 4 mars 2015
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Dans un futur proche, la population, opprimée par une police entièrement robotisée, commence à se rebeller. Chappie, l’un de ces droïdes policiers, est kidnappé. Reprogrammé, il devient le premier robot capable de penser et ressentir par lui-même. Mais des forces puissantes, destructrices, considèrent Chappie comme un danger pour l’humanité et l’ordre établi. Elles vont tout faire pour maintenir le statu quo et s’assurer qu’il soit le premier, et le dernier, de son espèce.
Critique : Comme on aime à le rappeler, Neill Blomkamp est d’une veine particulière de réalisateurs, une veine qui s’est affirmée aux alentours du début des années 2000. C’est cette période qui a vu renaitre un phénomène qui semblait, si ce n’est avoir disparu, largement estompé depuis les "80’s" : l’apparition de jeunes créateurs de télévision investissant le monde cinématographique pour le dynamiser, voire le dynamiter. On se rappelle par exemple du parcours de Michael Mann post-Miami Vice et Starsky et Hutch. J.J. Abrams, lui, est celui qui symbolise véritablement la renaissance de ce phénomène avec son Mission : Impossible III. Dès celui-ci, Abrams est (légitimement) porté aux nues par la presse spécialisée, et jusqu’aux Cahiers du Cinéma de lui attribuer des dossiers louant son travail auteurisant. Partant de là, la transition des créateurs TV vers le septième art s’est (re)normalisée, mais l’un d’eux est bien trop sous-estimé... Neill Blomkamp. Justement remarqué pour son sens de l’allégorie sociétale pertinente (District 9), ce petit surdoué des effets spéciaux passé derrière la caméra a été par la suite (trop hâtivement) étiqueté "faiseur" au sens technique aigu. Ce qui semble échapper à une bonne partie des critiques, c’est que le découpage fluide de l’action chez Neill Blomkamp, sa gestion de l’espace cinématographique directement héritée d’une culture geek et découlant des jeux vidéo, n’est jamais ostentatoire. Elle participe au contraire à un métissage culturel qui met en exergue une intertextualité rappelant la définition même du terme : "elle procède au sens" global de l’œuvre. Mais son nouveau Chappie se cantonne-t-il mécaniquement à ce procédé ou participe-t-il au contraire au façonnement d’une filmographie cohérente ?
- © Sony Pictures Releasing France
Alors que Neill Blomkamp vient de confirmer des ambitions proches de celles de James Cameron pour Alien 5, il est intéressant de constater les similitudes thématiques des deux hommes. À maintes reprises, les réflexions de Chappie relatives à l’autonomie, voire l’humanisation des intelligences artificielles, viennent croiser les pensées de l’un des chefs d’œuvre de Cameron : Terminator 2. Mais là où le père d’Avatar opte régulièrement pour une science-fiction à la diachronie étalée, celui d’Elysium penche pour une transposition de notre époque dans un futur très proche. La mise en avant des consoles Playstation 4 de son dernier né étant autant le symbole du plus subtil placement de produit de ces derniers temps (et donc de son détournement primaire), que de la mise en exergue de ce cadre futuriste imminent. Ce procédé, des plus simples, mais également des plus efficaces, croise ceux des grands noms de la SF actuelle : l’évocation d’un futur plausible comme mise en perspective de l’époque actuelle. On pense par exemple aux Fils de l’homme, dont l’impressionnante ouverture repose sur ce dispositif. Mais ce qui pousse l’ensemble des films précités vers le haut, c’est ce dépassement d’allures "classiques" par de subtiles touches leur ajoutant du corps, du cœur et de l’esprit. Et du corps, du cœur et de l’esprit... Chappie n’en manque assurément pas !
- © Sony Pictures Releasing France
De par la description du robot-enfant, Blomkamp remporte haut la main son défi consistant à pérenniser ses thèmes de prédilection (les délaissés, la pauvreté, le cloaque urbain de Johannesburg etc.), en y ajoutant une plus-value thétique qui découle de l’actualité en mouvement. En partant d’une histoire d’enfance confrontée à la cruauté humaine, le metteur en scène évoque tour à tour le déterminisme social, la lutte des classes ainsi que les rouages des mesures sécuritaires étatiques, pour finalement confronter le public au plus bel usage du cinéma : le signifiant. Et en ces temps de courses aux Oscars par des films pétris de leurs propres fatuités, cet usage est d’un essor inestimable.
- © Sony Pictures Releasing France
Avec ses longs métrages précédents, on savait Neill Blomkamp soucieux des oubliés. Cette nouvelle création, en dépit de quelques raccourcis "post-climax" dégraissant hâtivement le récit, complète largement un début de carrière sur les chapeaux de roues. La réussite formelle est d’ailleurs saisissante : les caméras RED appuient la véracité des décors naturels, et les cgi sont d’un soutien précieux via une perfection occultant jusqu’à leur nature même. Les habituelles touches de poésie sont quant à elles des plus redoutables (la scène de la découverte du chien décédé, incroyable prise de conscience de la notion de disparition). Jamais avare en scènes d’actions dantesques (a priori destinées à un public de "pop culture" geek), le film s’ingénie à fournir la générosité du genre tout en visant une authentique noblesse : celle de l’inscription auprès de son public d’une conscience positive. En évoquant textuellement la beauté de cette conscience au préjudice du corps et des apparences, Chappie est l’une des plus belles charges anti-fascisantes du moment. Du haut de ses trente-six ans, Neill Blompkamp semble en passe de devenir l’Homme à la caméra de la génération des "geeks et des gamers"... Un tour de force !
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.