Le 7 décembre 2016
Un Mankiewicz toujours aussi en avance sur son temps... Génie devant l’éternel.
- Réalisateur : Joseph L. Mankiewicz
- Acteurs : Kirk Douglas, Paul Douglas, Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern, Barbara Lawrence, Florence Bates
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 1h43mn
- Reprise: 7 décembre 2016
- Titre original : A Letter to Three Wives
- Date de sortie : 30 novembre 1949
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Résumé : Trois femmes mariées se retrouvent pour un pique-nique. La quatrième (une femme libre) manque à l’appel. Dans une lettre, elle annonce aux autres que le soir elle sera partie avec le mari de l’une d’entre elles. Dans une série de flash-back, chacune de ces trois femmes va alors repenser à son mariage pour en dégager les failles qui pourraient le menacer.
Critique : Ce film a reçu en 1950 l’Oscar du meilleur scénario et du meilleur réalisateur. Il a été une des sources d’inspiration de la série Desperate Housewives qui en a repris certaines idées (les caractères des personnages féminins, la voix off). Le métrage est passionnant à bien des égards. Au-delà du suspense vraiment prenant (on a envie de savoir avec qui la traîtresse est partie !), il propose une vision du couple très juste à travers trois échantillons différents. Ce qui pourrait menacer la première femme, c’est qu’elle ressent toujours un sentiment d’infériorité par rapport à son mari et ses relations. La distance qui sépare la seconde femme de son mari (interprété par Kirk Douglas) est liée à leurs valeurs. Alors que lui est un idéaliste qui préférerait vivre sans le sou plutôt que de se compromettre, elle vend ses talents à la publicité. Elle voudrait bien convertir son mari à une approche plus pragmatique des choses. Enfin, la troisième femme est une beauté froide (en apparence) qui a séduit son patron pour gravir l’échelle sociale. On entre ainsi de plain-pied dans une réflexion sur ce qui fait le couple et le mariage. La construction de ce lien ne fait pas abstraction de certaines considérations sociales et pécuniaires. Sous cet angle le film est une critique de l’american way of life de l’après guerre et par-delà l’époque et le lieu, une critique du mariage en général.
- © Splendor Films
Les thèmes abordés sont toujours d’actualité. S’il en restait à cette critique, le film n’aurait rien de remarquable parce que la charge est assez facile. La force de l’histoire, c’est qu’elle dépasse cette vision négative du couple et du mariage pour en extraire une forme de grandeur. La menace est représentée par une femme libre qu’on ne voit jamais. On n’entend que sa voix. On comprend facilement l’attrait que peut représenter pour les hommes ce personnage. Alors qu’ils se sentent entravés par leurs chaînes conjugales, ils sont tentés par cette femme faisant fi de toute convention. On l’imagine séduisante, en tout cas elle attire les maris et chacune des femmes mariées la craint. Mais on se rend compte au fil du film que la liberté incarnée par ce personnage a sans doute quelque chose d’inhumain. Cette liberté est inaccessible, intimidante. Après tout, si on est vraiment libre, on n’a besoin de personne. De quoi se demander si l’amour ne naîtrait pas d’une insuffisance, d’une certaine fragilité (d’un manque à être diraient certains philosophes).
- © Splendor Films
À l’opposé, la liberté absolue serait liée à une forme d’autosuffisance, une sécheresse des sentiments. Le film devient vraiment émouvant lorsqu’il déchire le voile et laisse entrevoir derrière les chaînes conjugales tous les sentiments inexprimés, l’amour qui lie chaque mari et chaque femme au sein de leurs couples respectifs. La femme libre n’agit que pour un certain goût du pouvoir. Le prix de la liberté est la solitude. En menacant de détruire le mariage des trois femmes, elle révèle ce qui en fait tout le prix. Destruction/révélation : on retrouve ici un diptyque classique de la fiction, schéma dont l’avatar le plus métaphysique serait Théorème de Pasolini et le plus récent Dans la maison d’Ozon. La femme libre du film de Mankiewicz est comme ces anges terribles de Rilke qui provoquent ce double mouvement. Il y a de la métaphysique chez Mankiewicz. C’est cette dimension en creux qui rend son œuvre géniale.
– Oscars 1950 : meilleur réalisateur, meilleur scénario original
- © Splendor Films
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