Le 1er mars 2014
- Festival : Les César 2014
Les César 2014 envoient un message désastreux en redéfinissant ce que l’on attend du meilleur du cinéma français et en mettant au ban de la profession l’un de ses plus valeureux auteurs.
Les César 2014 envoient un message désastreux en redéfinissant ce que l’on attend du meilleur du cinéma français et en mettant au ban de la profession l’un de ses plus valeureux auteurs.
2013 avait donné la tendance avec le record insolite de nominations pour le gentil Camille Redouble de Noémie Lvovsky, au final recalé à tous les niveaux. 2014 confirme les intentions et va même au-delà : la comédie est devenue le poids lourd du box-office français et donc des César avec le triomphe de Guillaume Gallienne et de sa première réalisation, Les garçons et Guillaume, à table !. Son film est reparti vendredi soir avec 5 prix dont la statuette du Meilleur film français de l’année 2013 (sic). Nous noterons également le carton de Neuf mois ferme d’Albert Dupontel qui ne méritait aucune des deux récompenses qui lui ont été octroyées (scénario et actrice).
Dans cette dynamique qui évoque les César du meilleur film en 1985 pour Les Ripoux et en 1986 pour Trois hommes et un couffin, la profession semble vouloir se réconcilier avec le public, comme pour se faire pardonner d’avoir snobé les grands succès populaires qui ont nourri l’industrie du cinéma français. Un courant populiste qui consiste à vouloir assimiler succès public avec le label qualité. On le remarque amèrement dans les nominations, pour être présent aux César, il faut s’être distingué au box-office. Seuls Jimmy P. et La Vénus à la fourrure ont été des échecs, mais leur présence dans la catégorie du Meilleur film français relève de l’amitié envers des cinéastes habitués au club.
Evidemment, on ne dira pas des films de Gallienne et de Dupontel qu’ils n’étaient pas réussis. Nous les avons défendus et nous avons acclamé leur succès surprise en salle, cependant nous doutons qu’ils aient leur place à un si haut niveau. Dans le cas de 9 mois ferme, le Meilleur scénario est totalement inepte, puisque son point faible, c’est justement son script. Le film trash de Dupontel est jubilatoire mais trop court ! A peine 1h20… Il laisse un sentiment d’une trame inaboutie, comme si le scénariste était à court d’idées en fin de métrage. Sandrine Kiberlain meilleure actrice, on savoure cette reconnaissance car on adore la comédienne, mais pour ce rôle qui n’est pas mémorable, on conteste. Face à Béjo dans Le passé ou Deneuve dans Elle s’en va, on est estomaqué ! Il va sans dire que Kiberlain fait un sans-faute chez Dupontel, mais son rôle ne marque pas les esprits, à la différence de son interprétation solide de Simone de Beauvoir dans Violette de Martin Provost, scandaleusement oublié par les académiciens. L’échec sans appel du film semble avoir condamné le biopic, puisque même Emmanuelle Devos en Violette Leduc, pourtant formidable, n’a pas reçu de nomination.
Le cas Kechiche. Les 5 récompenses de Gallienne laissent un goût amer. Si l’on peut admettre que ce joli succès (plus de 2.5 millions d’entrées) puisse repartir avec le César du Meilleur premier film, il semble évident que le César du Meilleur film lui soit revenu par dépit, ou dans la volonté d’un vote sanction contre Kechiche. La dissociation Meilleur film/Meilleur réalisateur (qui est revenu, contre toute-attente, à Polanski) est déjà significative… Une oeuvre est le bébé d’un réalisateur… son auteur, pour reprendre cette grande tradition française. Le divorce entre les deux catégories révèle inéluctablement une imperfection au sein de celui qui représente désormais « la crème de la crème » du cinéma français. Les Garçons et Guillaume à table ! est le meilleur film de l’année mais il a été réalisé par quelqu’un qui n’est pas le meilleur réalisateur. On reste circonspect.
La seule statuette de La vie d’Adèle chapitres 1&2 (meilleure révélation pour celle qui aurait pu, voire dû, être la meilleure actrice tout court !) est le signe d’une punition puérile à l’égard du cinéaste Kechiche, mis au ban de la profession suite à 6 mois de polémiques. Trop récompensé aux César Kechiche ? C’est vrai que dans le passé il a été bien loti. Mais renvoyer au quasi néant une Palme d’or cannoise qui a mis tout le monde d’accord en mai 2013, et même remporté un succès insolent en salle au vu de sa durée et de sa thématique, c’est un message catastrophique envoyé aux Français et au monde. Un couac qui fait perdre à Cannes un certain degré de crédibilité ; la Croisette est renvoyée à son image d’élite loin des préoccupations récréatives des spectateurs. C’est ironique dans le cas de Kechiche qui est, initialement, le chouchou des académiciens, avec les César du Meilleur film pour L’esquive et La graine et le mulet.
Que retenir donc de cette déferlante de comédies au panthéon du cinéma français ? Que les votants ne daignent pas regarder les échecs essuyés en salle par le bon cinéma hexagonal. Qu’ils punissent de façon puérile et subjective. Qu’ils confondent l’émotion immédiate du simple divertissement et celle plus marquante des œuvres qui portent un regard fort sur notre société, et qui laissent en conséquence une empreinte indélébile sur notre cinéphilie.
En résumé, si l’on peut souvent taxer les Américains d’académisme dans leurs choix aux Oscars, en France, c’est bien de populisme qu’on peut estampiller notre cérémonie des César.
Le palmarès des César 2014 : ICI
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