Broken - la critique

Film d’ouverture de la Semaine de la critique 2012, Broken surfe sur la nouvelle vague sociale britannique. S’il ne parvient pas à émerger du lot , la barre est maintenue.

L’argument : Après avoir été témoin d’une agression brutale, Skunk se rend compte que la maison où elle vit, son quartier, son école, lui sont devenus étrangers, presque hostiles. Les certitudes rassurantes de l’enfance ont laissé place à l’inconnu et à la peur. Et, alors qu’elle se tourne vers un avenir devenu soudain plus sombre, son innocence n’est plus qu’un souvenir. En cherchant le réconfort dans l’amitié muette de Rick, un garçon doux mais abîmé par la vie, Skunk va se trouver confrontée à un choix. Poursuivre un chemin dans lequel elle ne se reconnaît plus, ou quitter les ruines de son ancienne vie…

Notre avis : Metteur en scène pour le théâtre et l’opéra, Rufus Norris réalise ici un premier film juste et sincère sans grande originalité. Récit d’apprentissage adolescent, Broken s’attarde sur Shrunk (Eloise Laurence) et son passage franc et brutal dans le monde adulte. Sexe, tromperie, maladie, pédophilie, calomnie, la vie de la collégienne est loin d’être toute rose. Abandonnée par sa mère, elle fait face, seule, son père en point d’appui. Pour noircir le tableau, le cinéaste rajoute à la grisaille de ce décor anglais un handicap : Shrunk est diabétique. De quoi nous mettre d’entrée la larme à l’oeil. Et puis un jour, c’est la violence qui frappe à sa porte. Ou plutôt à celle de son voisin et instituteur, Mike (Cillian Murphy). Battu jusqu’au sang, le corps meurtri du jeune homme impressionne la rétine de Shrunk . Pour toujours. Une expérience qui arrache à l’adolescente ses dernières illusions. Eloïse n’a désormais plus rien d’une enfant.

Sensible et empreint de justesse dans l’approche de ses personnages, Broken pèche par un désir outrancier d’esthétisation et une certaine tendance au misérabilisme. En effet, pour ce premier long-métrage, le cinéaste s’attache à faire de chaque plan une oeuvre plastique en soi. Résultat ? Des surcadrages constants, une focalisation joueuse, et une lumière surabondante qui détonne par rapport à la tonalité fatalement sombre du récit. Engrenage permanent, Broken se rythme sur le mode de l’accélération et de la spirale infernale. Ainsi, à l’agression de Mike se surajoute des suspicions de viol, un trio adultère (le père, la baby-sitter et l’instituteur), et du racket scolaire. Un monde hostile qui détruit un à un les repères de Shrunk. Très vite, sa géographie quotdienne n’est plus sûre (école/maison). La jeune fille contrainte de trouver refuge ailleurs, se lie d’amitié avec un jeune garçon, Rick. Obtus et orienté, Broken laisse peu de place à la réflexion du spectateur, résolument condamné à adopter le point de vue du cinéaste. Dans cette chronique sociale croisée, trois familles anglaises surnagent sans parvenir à modifier leurs destins sur le long cours. Reste une finesse d’écriture qui permet d’aborder avec franchise et douceur la crudité de la vie, un humour sobre et efficace, et surtout, un incroyable casting qui réunit pour la première fois deux icones du cinéma anglais : Tim Roth (Reservoir Dogs, Pulp fiction) et Cillian Murphy (Le vent se lève). Une bonne recette dont la cerise sur le gâteau reste la jeune Eloïse Laurence, puissante et désarmante en un regard, à l’image de la jeune Jodie Foster de Taxi Driver. Pas encore de la trempe d’un Shane Meadows (This is england) et de la force scénaristique de Boy A (Mark O’Rowe signe ici le récit), Broken reste un film honnête porté par d’excellents acteurs. Une réussite en demi-teinte.