Amour, crimes et belle plante
Le 7 juin 2012
Au-delà du film noir, Brighton Rock est l’histoire douce et perverse d’un couple atypique :
le jeune dévoyé et la blanche colombe.
- Réalisateur : Rowan Joffe
- Acteurs : Helen Mirren, Sam Riley, Andrea Riseborough , Adrian Schiller
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h51mn
- Date de sortie : 22 juin 2011
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Au-delà du film noir, Brighton Rock est l’histoire douce et perverse d’un couple atypique : le jeune dévoyé et la blanche colombe.
L’argument : Brighton 1964.
Pinkie Brown, redoutable petite frappe de dix-sept ans, tourmenté, sexuellement inhibé et déjà mégalomane, veut venger le meurtre de son chef de gang et, par la même occasion, s’imposer comme leader.
Rose, une jeune et innocente serveuse tombe sur des preuves le liant à un règlement de comptes, il décide de la séduire afin de s’assurer de son silence. Celle-ci tombe facilement sous le charme envoûtant de l’odieux assassin.
Notre avis : Double adaptation (du roman et du film) Brighton Rock est un pur film noir des temps modernes. Première réalisation cinématographique du scénariste Rowan Joffe (28 semaines plus tard, The American), le long-métrage marque l’entrée en scène d’un cinéaste plastique et caustique.
Si Brighton rock a la beauté classique du polar des années quarante, c’est par son cynisme acerbe et son ironie corrosive que le film éblouit. Alors que l’original de John Boulting centrait son intrigue sur la thématique biblique du bien et du mal, le Brighton rock de 2010 laisse tomber les bonnes manières et force le trait de la caricature. Et c’est là tout l’intérêt du film : la création d’anti-héros.
Entre Pinkie, voyou paranoïaque et vicieux, Rose, jeune fille romantiquement niaise, et Ida la patronne rousse incendiaire d’un charmant salon de thé, la galerie des portraits des personnages se brosse à coups de vitriol et d’acide sulfurique.
Habitué de la complexité et des sujets borderline (son téléfilm Secret life, réalisé en 2007, racontant l’histoire d’un délinquant sexuel) Rowan Joffe était le premier choix du producteur Webster pour remettre à l’écran une partie de la violence et de la sensualité les plus perverses qui traversent le livre. Transposé dans les années soixante (l’intrigue initiale se situant en 1939), le récit reste sur les berges de Brighton mais change d’atmosphère et de climat. Envahit par une jeunesse montante « les Mods » (abréviation de « Modernists » en opposition au « trads ») et les « Rockers » ( regroupés autour du rock’n roll américain), la vieille station balnéaire plonge en pleine révolution. Brighton Rock c’est aussi ça :
la photographie du basculement. Des quadragénaires en costume vert brun à la jeunesse en pantalon flashy, la ville côtière prend des couleurs. Un retournement de veste qui ne plait pas à tout le monde et encore moins à l’empire souterrain des gangs populaires. Sur fond de brouillard et de coins sombres, les rixes entre bandes se signent dans le sang.
Il faut noter l’excellent travail de photographie de John Mathieson, réputé pour maitriser les codes du film noir. Lumière nuageuse, composition ombragée du cadre, décors iconiques du genre, tout est affaire de détail dans cette construction visuelle de l’obscurité. L’équipe serait même allée jusqu’à utiliser des objectif millésimés des années soixante pour une meilleure retranscription : les « crystal express ». Rajoutons à cela une histoire d’amour interdite entre un criminel (Pinkie) et une jeune fille innocente (Rose), des meurtres (multiples tueries entre bandes), de la corruption (Mr Colleoni puissant homme d’affaire et chef de gang), une femme fatale (Ida) et l’on nage en eaux troubles.
Au-delà des codes du genre, Brighton Rock s’intéresse aussi à la psychologie de ses personnages. Dans cette optique, l’acteur Sam Riley est magistral dans son interprétation de Pinkie qu’il incarne dans toute sa mégalomanie, ses frustrations (sexuelles), et sa solitude. Si le "héros" ne fait dans cette version de l’histoire, aucunement preuve de rédemption, ses peurs et sa part d’humanité sont bel et bien palpables, notamment dans une très mystique scène de dernière prière, où Pinkie, lacéré jusqu’à la chair, prononce un Je vous salue, Marie, pleine de grâce laissant à penser qu’il aurait peut être une âme.
Abominable et détestable, notre anti-héros revêt pourtant, dans le jeu de Sam Riley, un certain charme. Malicieux, fourbe, et dangereux, l’on ne peut s’empêcher d’espérer voir poindre dans ses yeux une once de bonté, surtout lorsqu’il les pose sur Rose, dont la pureté inconditionnelle agace, irrite, mais au final, attendrit. Dans sa course contre la montre, l’exécution programmée de Pinkie se rapprochant à grand pas, le récit prend pourtant le temps de se poser sur la romance du couple. Entre promenades menaçantes sur la jetée, bals dansants lugubres, et mariage express, le romantisme en prend un coup. Mais si Pinkie séduit Rose pour mieux s’assurer de sa loyauté et de son silence (une femme ne pouvant à cette époque, porter plainte contre son époux), il ne peut se résoudre à la supprimer.
Au final, si l’on ferme les yeux sur les quelques facilités scénaristiques, ce remake ou adaptation, selon le point de vue, s’avère réussi par son ambiance imparable et sa mise en scène puissante. Une curiosité à découvrir.
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