Noire et blanche
Le 26 mars 2024
Le réalisateur de Torremolinos 73 s’essaie ici au conte, en reprenant le personnage de Blanche-Neige dans le style du cinéma muet des années 1920. Un travail qui frôle parfois le consciencieux, mais provoque des moments de cinéma captivants.
- Réalisateur : Pablo Berger
- Acteurs : Ángela Molina, Maribel Verdú, Inma Cuesta, Daniel Giménez Cacho, Itziar Castro, Macarena García
- Genre : Drame, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Rezo Films
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 23 janvier 2013
Résumé : Sud de l’Espagne, dans les années 1920. Carmen est une belle jeune fille dont l’enfance a été hantée par une belle-mère acariâtre. Fuyant un passé dont elle n’a plus mémoire, Carmen va faire une rencontre insolite : une troupe ambulante de nains Toreros qui va l’adopter et lui donner le surnom de « Blancanieves ». C’est le début d’une aventure qui va conduire Carmen/Blancanieves vers elle-même, vers son passé, et surtout vers un destin à nul autre semblable…
Critique : À l’instar des fables, ou des mythes, les contes existent pour être racontés – et à chaque nouvelle narration, se voir déformés par le prisme de l’époque, l’héritage culturel ou la morale du temps. Blancanieves est « une » version de Blanche-Neige, une déclinaison opérée à travers l’Espagne du début du XXe siècle, le cirque monstrueux de Tod Browning et la nostalgie du noir et blanc muet. Muni de sa grille de motifs formels et thématiques, Pablo Berger détoure ce qui, à partir du conte, construit un imaginaire autre, tour à tour plus naïf ou plus sombre, tout d’un coup décollé de la figure éthérée et archétypale de la Blanche-Neige des livres d’enfants, pour s’incarner dans les yeux sombres de Macarena García. Il est plaisant de retrouver le parcours du conte – et les petites trahisons qui lui sont faites –, le cinéaste parsemant le récit de ses artefacts indispensables, parmi lesquels nains et pomme empoisonnée. De la trame originale, Berger choisit de faire ressortir avec violence le caractère œdipien, à travers un père à la fois faible, bon et éminemment désirable, dont « Blanche-Neige » ne peut bien entendu qu’être séparée. Mais c’est dans ses parties d’écriture libre que le film se révèle pourtant le plus proche de la poésie qu’il entend faire naître : les premières années de « Blanche-Neige », sur laquelle repose toute la première partie du film, est une peinture miniature de sensations, matières et rythmes associés à l’enfance. Le canevas du conte est ici moins pesant, et accorde aux personnages l’espace dont ils ont besoin pour enfin réellement exister.
Le pari formel de Pablo Berger pour raconter sa version de Blanche-Neige est à la fois risqué et confortable. Risqué, car faire reposer un long-métrage sur une grammaire cinématographique entièrement empruntée aux années 1920, dans une époque et une culture littéralement informées par un siècle de cinéma, constitue une entreprise, sinon rétrograde, du moins un peu formaliste et risquant de sombrer dans le pur exercice de style. Confortable pourtant, car Berger le cinéphile connaît la puissance du cinéma muet qu’il convoque, qui n’appartient pas à la tradition hollywoodienne – malgré la possible ressemblance théorique, nulle trace ici de The Artist, mais bien à ce cinéma européen des années 1920, transformé par l’avant-garde, qui n’hésite pas à recourir aux effets, à la verticalité des cadres ou à l’irruption du gros plan dans le fil de la narration. La mise en scène de Berger est volontairement dramatique, piquée de coups d’éclat visuels et enveloppée dans une musique symphonique omniprésente, l’une des seules réelles fautes de goût de cette fresque espagnole. Fidèle à la règle qu’il s’est lui-même fixée, Berger choisit de « tout » conserver, du plus élégant – l’audace de l’ellipse narrative et du découpage visuel – au plus malhabile – les innombrables intertitres et l’accompagnement musical –, proposant comme un inventaire cinématographique de son objet référent. Blancanieves aurait mérité de dépasser plus souvent le croisement d’influences, pour provoquer d’autres étincelles, comme il en naît quelquefois dans ce conte tissé de noir et de blanc.
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tedsifflera3fois 28 février 2013
Blancanieves - Pablo Berger - critique
Formellement ambitieux, porté par une Macarena García ravissante et hypnotique, le film de Pablo Berger explore l’intemporalité d’un conte de fée entre nostalgie et modernité. Ma critique : http://tedsifflera3fois.com/2013/02/28/blancanieves-critique/