Le 24 décembre 2014
- Voir le dossier : Bilan 2014, Classement 2014
Une fragrance de l’ordre de la transgression, de l’insoumission a submergé le cinéma en 2014. En découle un assemblage difforme presque inconciliable… et néanmoins éblouissant.
Une fragrance de l’ordre de la transgression, de l’insoumission a submergé le cinéma en 2014. En découle un assemblage difforme presque inconciliable… et néanmoins éblouissant.
Il s’en sera fallu de peu, cette année, pour que le cinéma sorte véritablement de ses gonds. N’en déplaise à Jane Campion, la Palme d’or décernée à Winter Sleep laisse aujourd’hui encore un goût quelque peu amer, malgré des qualités formelles manifestes. Un tableau a priori peu encourageant peinant par ailleurs à s’éclaircir, si l’on songe aux derniers crus ronflants des vétérans Woody Allen (Magic in the Moonlight), Clint Eastwood (Jersey Boys) et autres Abel Ferrara (Welcome to New York). Mais parfois, une poignée de films suffit à elle-seule à reconsidérer une année tout entière, voire même à redonner foi en l’émergence de nouvelles formes. Pour cette fois, les agitateurs se nomment Under the Skin – depuis quand le cinéma n’avait-il pas enfanté d’un trip visuel et sonore aussi inouï ? –, Maps to the Stars – ou le retour sardonique et fracassant de Cronenberg –, ou Léviathan. Sans doute ce dernier, quasi chef-d’œuvre signé Andreï Zviaguintsev, incarne-t-il d’ailleurs l’envers insolent et décomplexé du dernier Nuri Bilge Ceylan.
Ainsi, le cinéma en 2014 se présente comme une hydre à deux têtes : l’une par trop classique, l’autre quasi avant-gardiste. Cette figure d’éclaireur se caractérise par une intempérance : celle des débordements passionnels de Mommy, du déluge faussement espiègle de The Grand Budapest Hotel et Conversation animée avec Noam Chomsky, ou des envolées lyriques immémoriales du Conte de la princesse Kaguya. À mi-chemin entre ces deux tendances, Bertrand Bonello – conscient du regard des pères pesant sur lui – rend de son côté hommage à Luchino Visconti tout en vidant le biopic de ses motifs surannés habituels dans Saint-Laurent. En résulte parfois une épure à la Fincher, tendance The Social Network. Pas étonnant d’ailleurs que les deux hommes figurent chacun parmi les metteurs en scène les plus flamboyants de l’année – qu’on se penche sur le cas de Gone Girl, génial "Madame Bovary" postmoderne, pour s’en convaincre.
Pour le reste, le jeu des répartitions géographiques met en lumière le renouveau d’un cinéma français l’an passé chancelant – exception faite de Kéchiche et Guiraudie –, ne serait-ce que pour l’étrange et envoûtant L’amour est un crime parfait, ou pour le crépusculaire Mange tes morts. Côté anglo-saxon, le résultat est largement honorable – Jonathan Glazer et Richard Linklater (Boyhood) en tête. Et outre la confirmation déjà mentionnée du Russe Zviaguintsev, les Israéliens Nadav Lapid (L’institutrice) et Shlomi & Ronit Elkabetz (Le procès de Viviane Amsalem) ont balayé le septième art d’un vent sulfureux et vivifiant. Pas en reste, l’Asie aura une nouvelle fois fait parler d’elle – mention spéciale pour le chinois Diao Yinan (Black Coal, au firmament du film noir) et le Sud-coréen Hong-Sang-soo (Sunhi, exercice de style truculent), que l’on ne présente plus. Tandis que deux spécialistes cultes du cinéma japonais d’animation, Takahata et Miyazaki père (Le vent se lève) – dans un dernier souffle des plus poétiques – auront définitivement homologué la maestria du géant Ghibli. Éternel abonné des Top Ten, le danois insoumis Lars von Trier (Nymph( )maniac – volume 1 et 2) échappe de justesse aux dix premières marches du podium. Mais qu’importe : comme un parfum de sédition exhale de cette édition 2014, et au-delà de toute carte du monde, audace et folie semblent les seules choses qui comptent réellement. Belle année de cinéma !
1. Under The Skin (Jonathan Glazer)
2. Saint Laurent (Bertrand Bonello)
3. Maps to the stars (David Cronenberg)
4. Sils Maria (Olivier Assayas)
5. Leviathan (Andreï Zviaguintsev)
6. L’amour est un crime parfait (Arnaud et Jean-Marie Larrieu)
7. Black Coal (Diao Yinan)
8. Mommy (Xavier Dolan)
9. Gone Girl (David Fincher)
10. (ex-æquo) Sunhi (Hong Sang-soo)
10. (ex-æquo) The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson)
10. (ex-æquo) Conversation animée avec Noam Chomsky (Michel Gondry)
10. (ex-æquo) Le Conte de la princesse Kaguya (Isao Takahata)
– Les films que j’aurais apprécié voir : Adieu au langage, Le paradis, Les chiens errants, Les trois sœurs du Yunnan, À ciel ouvert, Near death experience, Les bruits de Recife, Only lovers left alive, Métamorphoses, Bird People…
– Les films français de l’année : P’tit quinquin, Eden, La chambre bleue, Sils Maria, Party Girl, Mange tes morts
– Les films européens de l’année : Nymph()maniac volume 1 & 2, Deux jours, une nuit, Ida
– Les meilleures franchises de l’année : La Planète des singes : l’affrontement, Le Labyrinthe
– Le Geek movie de l’année : Les Gardiens de la galaxie
– Les films d’animation de l’année : La Grande Aventure Lego, Rio 2, Dragons 2
– Les thrillers de l’année : Blue Ruin, Night Call, Un homme très recherché, Wake in Fright (ressortie), Non-stop
– Les films de S.F. de l’année : Interstellar, Her
– Les films asiatiques de l’année : Real, The Snow White Murder Case, Still the Water
– Les films d’horreur de l’année : Mister Babadook, Catacombes
– Les documentaires de l’année : Le Sel de la Terre, Les Ascensions de Werner Herzog
– Les comédies de l’année : Wrong Cops, Paddington, Pride, Hippocrate
– Les films arabes ou du Moyen Orient de l’année : Le Procès de Viviane Amsalem, L’Institutrice
– Les teen movies de l’année : Ping Pong Summer, Bande de filles, Palo Alto, White Bird, Au premier regard
– Les B.O. de l’année : Under the skin, Les Gardiens de la galaxie, Saint Laurent
– Les films les plus sous-estimés de l’année : Enemy, L’amour est un crime parfait, Love is strange
– Le film le plus surestimé : Winter Sleep
Et les ratés... :
– Les productions trop corsetées : Tom à la ferme, 3 cœurs, Mr. Turner, Yves Saint-Laurent
– Les films les plus stériles de l’année : Le Hobbit : la bataille des cinq armées, Hunger Games : la révolte partie 1, Pompéi, 300 : la naissance d’un empire, Maléfique
– Les plus grandes déceptions : Winter Sleep, Monuments men, Twelve years a slave, The Homesman, Le Hobbit : la bataille des cinq armées, Jimmy’s Hall, Magic in the Moonlight, Jersey Boys, Welcome to New York
– Les nanars de l’année : Sin city : j’ai tué pour elle, Sex Tape, Annabelle, Transcendance, I, Frankenstein, Black storm
– Le film le plus révoltant : Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?
Galerie Photos
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