Bi, n’aie pas peur ! - la critique + le test DVD

Une ritournelle vietnamienne, où la poésie transcende les interdits d’un pays dominateur et dicte les seules lois inviolables : celles de l’existence.

L’argument : Dans une ancienne maison de Hanoi, Bi, un enfant de 6 ans vit avec ses parents, sa tante et leur cuisinière. Ses terrains de jeu préférés sont une fabrique de glace et les grandes herbes au bord de la rivière. Après des années d’absence, son grand-père, gravement malade, réapparaît et s’installe chez eux. Alors que Bi établit peu à peu une relation avec lui, le père de Bi cherche à éviter son propre père et fuit le foyer. Chaque soir, il s’enivre et va voir une masseuse pour laquelle il éprouve un très fort désir. La mère de Bi ferme les yeux. La tante, toujours célibataire, croise dans le bus un jeune homme de 16 ans. L’attraction qu’elle ressent pour lui la bouleverse.

Notre avis :A travers les grands yeux noirs écarquillés de Bi, le monde se dénoue avec une étonnante facilité. Les tourments du corps et du coeur qui supplicient les adultes l’intriguent sans le concerner vraiment, et l’enfant file, grimpe et sautille dans les artères bouchées d’Hanoï. Les odeurs de friture émanant des restaurants, la poussière des routes soulevée par le passage incessant de voitures, la transpiration qui emplit chaque endroit confiné, prennent à la gorge le spectateur, surpris par la violence de ces sensations. Alors lorsque la pluie salutaire vient purifier le village, on se sent l’envie de se dissimuler derrière les joncs de la roselière pour épier la vie qui suit son cours.

Premier film de Phan Dang Di, Bi, n’aie pas peur ! connait à sa sortie un succès immédiat à travers le monde. De festival en festival, le long-métrage porte en lui les espoirs du renouveau du cinéma vietnamien. N’ayant pas reçu l’aval des sociétés de production vietnamiennes et victime des foudres de la censure du gouvernement, le projet est financé par des compagnies françaises et allemandes ; le cinéaste se refusant à transiger avec son oeuvre.
De génération en génération, le metteur en scène nous invite à découvrir le quotidien d’une famille modeste. Bi, jeune garçon de six ans, brille d’une insouciance qui illumine son entourage de la douce lumière de l’espérance. Son père, corrompu par le malheur et la boisson, se noie dans son désir pour une jeune masseuse. Sa mère s’acharne à trouver un sens à sa situation de femme soumise, et reporte autant que faire se peut son amour frustré sur le grand-père paternel mourant. Ce dernier est d’ailleurs le seul à appréhender l’enfant pour ce qu’il est : le rappel d’une beauté primaire oubliée par le passage du temps.

Tourmentés par leurs désirs charnels et leurs envies d’amour, sous quelque forme qu’il se présente, les personnages de ce drame nous peinent l’un après l’autre. D’autant plus que l’insatisfaction qu’ils éprouvent, exacerbée par la société, les moeurs, le gouvernement, leur situation financière, ne souffre aucune issue. Si le rythme du film et son scénario se révèlent bien minces, Bi, n’aie pas peur ! vaut surtout par ses instants de poésie : une pomme enveloppée dans un bloc de glace, une feuille d’érable dans une ville du Vietnam, une femme paralysée sous une pluie battante par l’impétuosité de ses envies, la sueur qui perle au front d’un homme perdu... C’est aussi cela, la vie.

Le test DVD :

Les suppléments :

Outre la bande-annonce, la liste des festivals où Bi, n’aie pas peur ! a été projeté et une courte biographique de Phan Dang Di, ils se déclinent en deux parties :
- Une interview du réalisateur et de l’acteur principal, Nguyen Ha Phong, mênée par Cap Canal. On déplore la brièveté de l’entretien (à peine plus de cinq minutes !) et la superficialité des questions posées. On note tout de même l’excellent français du comédien.
- Un court-métrage inédit du réalisateur. Premier projet du metteur en scène, When I am 20 a été séléctionné à Venise avant d’être victime de la censure vietnamienne, ce qui a empêché sa présentation au festival. Une jolie parenthèse, d’une vingtaine de minutes, sur la prostitution et les rêves brisés.

L’image :

Une copie tout à fait honnête, même si l’on aurait préféré voir un résultat en HD afin de profiter au mieux du sens du cadre de Phan Dang Di et de la beauté sans pareille d’Hanoï.

Le son :

Les versions française et anglaise peuvent toutes deux êtres lancées en 5.1 ou en stéréo. La version originale est automatique, même si les basses auraient peut-être mérité d’être sur-élevées, l’ensemble reste très correct.