Le 26 mai 2023
Avant Portrait de la jeune fille en feu, il y avait Bande de Filles, sublime évocation de l’adolescence désespérée signée Céline Sciamma. Les thématiques chères à la cinéaste comme la quête identitaire, l’appartenance ou encore la guerre des sexes prennent ici une dimension symbolique impressionnante de maîtrise. Un récit d’apprentissage féminin qui érige définitivement Céline Sciamma comme la digne héritière de Jane Campion.
- Réalisateur : Céline Sciamma
- Acteurs : Idrissa Diabaté, Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Mariétou Touré
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h52mn
- Date télé : 26 mai 2023 22:15
- Chaîne : France 4
- Date de sortie : 22 octobre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Dans une cité de la banlieue parisienne, Marieme, adolescente noire, mène une vie étriquée avec une mère qu’elle voit peu, deux soeurs cadettes et un frère aîné violent. Lorsque la conseillère d’orientation lui annonce qu’elle n’a d’autre choix que le CAP, Marieme comprend que son futur ne ressemblera pas à celui qu’elle appelle de ses voeux.
Critique : Il est indubitable que le cinéma permet de créer une solide expérience empathique, une connexion à la fois cérébrale et sensitive, envers un personnage qui nous a affectés, et la cinéaste Céline Sciamma, dont Bande de filles demeure une cristallisation saisissante de ses obsessions quant à la sempiternelle quête d’identité de la femme au sein d’un environnement castrateur et patriarcal, l’a bien assimilé. De fait, grâce à un avatar fictif convenablement développé, il nous est possible de vivre une vie par procuration tant l’identification fut immédiate. Sciamma témoigne d’une aptitude réelle à introniser un climat cinégénique voire onirique au sein du merveilleux portrait de Marieme ou "Vic", une adolescente perdue entre deux réalités, le quartier sensible de Bagnolet et le reste du monde. Vic demeure une victime consentante de son déterminisme social, tant d’un point de vue intime que substantiel, jusqu’au jour où elle rencontre une bande de filles à première vue hostile, adoptant les codes sociaux inhérents à la délinquance masculine comme la violence collective ou l’agression délibérée qu’elles adoptent comme forme d’apprentissage. Dès lors, Vic découvre par le prisme de cette fratrie une alternative à son impasse identitaire. Aussi, le moule sociétal que son entourage lui a forgé commence à se fissurer.
Si les prémices de Bande de filles laissent présager un récit politique à forte charge pamphlétaire, à la frontière du cinéma social, sur l’impossible mixité sociale voire sexuelle, il est ici plus question d’une libération, à la fois spirituelle et communautaire, du modèle féminin dicté par le patriarcat. Bande de filles étonne par son évocation audacieusement moderne de l’oppression masculine et in fine de la représentation de la féminité dans un monde asphyxié où l’épanouissement personnel doit forcément passer par la maternité, la luxure ou le paraître. Sciamma préfère au contraire sublimer ses héroïnes en lionnes conquérantes et insaisissables, comme à travers cette séquence inoubliable où les quatre adolescentes dansent dans une modeste chambre d’hôtel sur le son Diamonds de Rihanna. La prestation de Karidja Touré, l’actrice principale, héritière symbolique du cinéma militant de Jane Campion, que Sciamma revendique comme influence majeure, nous laisse une dernière impression d’une femme conquérante et victorieuse, comme avait su insuffler Campion à travers des œuvres comme La Leçon de piano ou Portrait de femme, qui exposaient ses personnages féminins comme des prolongements physiques de leurs préoccupations, idées, révoltes ou leur sentiment d’injustice.
Ainsi, Bande de filles poursuit avec une maîtrise thématique et plastique totale les réflexions du cinéma de Céline Sciamma quant à l’impasse identitaire et la segmentation communautaire, déjà creusés dans Naissance des pieuvres ou encore Tomboy, qui narrait déjà le désespoir intime d’une pré-adolescente découvrant son identité de genre. Bande de filles poursuit ainsi le combat que nombre de féministes ont souhaité faire reconnaître au cours de l’Histoire, tout en consolidant durablement la carrière d’une des cinéastes françaises les plus passionnantes de sa génération.
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