Tumultes existentiels
Le 12 janvier 2024
Alejandro Gonzalez Iñárritu persiste dans le registre de la chronique polyphonique avec Babel, prix de la mise en scène au Festival de Cannes. Une œuvre définitive et terrassante.
- Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
- Acteurs : Brad Pitt, Cate Blanchett, Gael García Bernal, Peter Wight, Kōji Yakusho, Rinko Kikuchi, Adriana Barraza, Claudine Acs
- Genre : Drame, Thriller, Film choral
- Nationalité : Américain, Français, Mexicain
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 2h15mn
- Date télé : 21 septembre 2022 21:05
- Chaîne : CStar
- Festival : Festival de Cannes 2006, Sélection officielle Cannes 2006
Tout Cannes 2015 ICI
Résumé : Au Maroc, deux adolescents découvrent un pistolet. Au beau milieu du désert, ils décident de le tester, mais la balle sortant de l’arme va aller beaucoup plus loin que tout ce qu’ils auraient pu imaginer. Sur le principe de l’effet papillon, des vies vont alors être bouleversées à travers le monde : un couple d’Américains en vacances, une baby-sitter mexicaine, ou encore une adolescente japonaise sourde et son père.
Comment Gaspar Noé va choquer la Croisette
Critique : Fasciné par la théorie du battement d’ailes du papillon, Alejandro Gonzalez Iñárritu, réalisateur des remarquables Amours chiennes et 21 grammes, poursuit pour la troisième fois avec le scénariste Guillermo Arriaga son exploration des destins qui se croisent de manière accidentelle et impliquent des êtres humains dévastés par les conséquences de leurs actes. Le but à travers ce bel écheveau ? Parler de la vie, des hasards qui font sa beauté comme sa cruauté. Sauf que cette fois-ci, avec Babel, Iñárritu a vu loin. Beaucoup plus loin que nous. Son histoire, qui marque l’achèvement d’une trilogie initiée par ses deux premiers films sur le chaos, s’étend sur trois continents différents avec des acteurs japonais, marocains, américains et mexicains qui ne se sont pas tous croisés pendant le tournage mais connaissaient l’histoire qu’au travers du scénario. L’équipe a suivi le réalisateur jusqu’au bout de son projet en vivant une expérience humaine aussi éprouvante que celles des personnages. Cela s’en ressent également chez le spectateur qui a tendance à être plus ébloui par cette simple performance (relier une histoire de touristes américains au Maroc et celle d’une adolescente nippone fâchée avec la vie) que le propos lui-même.
Dans Babel, titre biblique qui fait référence à la tour érigée par des hommes unis culturellement que Dieu détruisit pour condamner l’humanité à parler des langues différentes - ce qui provoqua la division des hommes, incapables dès lors de communiquer -, il est question de quête d’amour dans des univers tellement vastes que l’être humain ne peut que se perdre. À l’origine, deux mômes qui s’amusent avec le fusil du papa, destiné à faire fuir les chacals, et blessent une touriste américaine. Au bout du chemin, un tourbillon de situations terrifiantes dans un film terrassant qui a le bon goût de ne pas céder à la redondance. Qu’il s’agisse de montrer dans une discothèque le décalage entre ce qu’une Japonaise sourde-muette ressent et l’agitation nocturne autour d’elle, ou de poser sa caméra à la frontière mexicaine où un contrôle de police marque à vie et fait déraper le cours des événements, la mise en scène, alerte, inspirée, sensorielle et inventive de Iñárritu fait des étincelles. Jusqu’au dernier plan - sublime - qui quitte deux personnages perdus dans le tumulte urbain déshumanisé mais conscients d’avoir ressenti des choses viscérales inexplicables.
Babel, objet faussement babylonesque au sens soderbergien et en réalité fragile, inquiet, en proie au doute et au vertige, nous impressionne tel un uppercut pour nous communiquer sa peur de la déshumanisation, sa crainte que les relations humaines se délitent davantage, sa haine des préjugés. Et, dans un ultime élan, serre chaque personnage fort dans ses bras généreux pour qu’il récupère toute l’affection qui lui manque. La nôtre, au passage. En tissant des fragments de vie déchirants, Iñárritu a atteint le sommet de son art et délivre, de manière définitive et virtuose, un grand film à géométrie variable où l’essentiel repose sur la communication (les médias, les sourds-muets, les regards, les gestes, les non-dits, la violence verbale).
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
alinea 13 février 2007
Babel - Alejandro González Iñárritu - critique
Des acteurs tout en finesse, des habitants du "cru" non professionnels qui mériteraient la palme de la justesse et des destins qui s’entrecroisent en tenant le spectateur en haleine. On ne regrettera que la durée du film qui aurait pu se prolonger un peu... la fin nous laisse sur notre faim. Les images ne sont pas "léchées" ce qui donne un petit côté "reportage" crédible. Babel : une leçon de vie sur ces gens qui se sentent incompris et qui ont tant de mal à communiquer... des tranches d’existences comme on aimerait en voir plus souvent ! Un pur régal à ne rater sous aucun prétexte !
vincentho 12 mars 2007
Babel - Alejandro González Iñárritu - critique
Très beau film choral, qui nous promène entre le Maroc, le Mexique et le Japon, avec des interactions entre des personnages qui ne se connaissent pas.
Norman06 22 avril 2009
Babel - Alejandro González Iñárritu - critique
Film chorale remarquable par la finesse de son scénario et l’intelligence de sa mise en scène. Aussi fort que "Amours chiennes", la première œuvre de l’auteur.