Il reste du gens-bon ?
Le 22 mars 2024
Une fable douce amère qui appelle à l’amour de l’autre et à l’insurrection face aux diktats idéologiques. Une œuvre d’utilité publique à (re)découvrir.
- Réalisateur : George Miller
- Acteurs : James Cromwell, Elizabeth Daily, Magda Szubanski
- Genre : Aventures, Film pour enfants, Film animalier, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Australien
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 24 février 2017 20:55
- Chaîne : Syfy
- Titre original : Babe, Pig in the City
- Âge : À partir de 5 ans
- Date de sortie : 26 février 1999
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Résumé : Mr. Hoggett tombe accidentellement au fond du puits et se retrouve immobilisé. Mais malgré les efforts de Mme Hoggett qui doit s’occuper toute seule de la ferme, la faillite n’est pas loin. Elle part alors à la ville avec Babe afin de le faire participer à une nouvelle compétition dont la récompense devrait les sauver...
Critique : En 1996 débarquait sur les écrans Babe, le cochon devenu berger écrit et produit par George Miller, qui confia cependant la réalisation à un certain Chris Noonan. Le succès fut phénoménal à tel point qu’une suite est immédiatement mise en chantier. C’est en 1999 que Babe, le cochon dans la ville sort sur nos écrans. Malheureusement, le succès commercial ne sera pas au rendez-vous, rapportant seulement cinquante millions de dollars dans le monde pour un budget avoisinant les cent millions. La malédiction se répétera une décennie plus tard avec Happy Feet 1 et 2.
Dès les prémices de l’histoire, George Miller prend le risque (malheureusement vain) d’éloigner son film du simple conte pour enfants et le confond en une œuvre profondément existentielle. Le métrage mélange les genres par petites touches subtilement déposées sur un tableau pas toujours blanc. En une même séquence, le cinéaste jongle abruptement entre humour communiant (réplique de Ferdinand, les petites souris, divers gags de situation) et terrifiante réalité (les enfants malades, la mise en fourrière des animaux, les chiens errants symbolisant les exclus, les SDF). Chaque scène de comédie est constamment cassée par une chute, une réplique en demi-teinte, afin de ne jamais s’éloigner du vrai sens du film.
Car si Babe est vendu comme un enfantillage, il demeure avant tout un véritable pamphlet humaniste tentant de recentrer la vraie place de l’homme à l’échelle de la Terre. Ainsi Miller image ses critiques véhémentes contre ceux qui, par leur statut, façonnent notre monde : les scientifiques, arrachant les animaux à leur vie harmonieuse pour les enfermer ; les banquiers, dont l’arrivée à la ferme provoque immédiatement un orage, les policiers, rigoristes qui appliquent les protocoles jusqu’à l’absurdité, les bourgeois, dont les festivités, nombrilistes, seront écourtées, pour leur plus grande tristesse, par des animaux/êtres à qui l’on refuse le droit d’exister.
L’utilisation d’animaux permet au cinéaste, non seulement de s’adresser, aussi bien, aux petites têtes blondes qu’à leurs parents, mais surtout d’exploiter un thème qui semble lui tenir à cœur depuis le début de sa carrière, la résignation. Ainsi le parcours initiatique d’un petit cochon, aux capacités limitées relatives à son genre, devient une ode à la découverte de soi, à la compréhension d’un monde tout en contradiction où chacun peine à trouver sa place. Babe comprendra, très vite, que le prix à payer pour la vie, la vraie, est celui de faire fi de tous les principes établis, d’aller à l’encontre de l’ordre des choses, dans l’unique but de transcender son statut de simple « nourriture pour humain ». Il en est de même pour le vieil orang-outang qui ne veut pas se résigner à n’être qu’un singe. C’est un homme, et il souhaite être vu comme tel (d’où une scène lourde de sens où le primate prend le temps de s’habiller alors que tous les autres s’apprêtent à s’enfuir de la fourrière).
Tout au long de son périple, Babe ne cessera de donner des leçons de vie et d’amour aux différents êtres qu’il croisera au point de devenir le guide spirituel et existentiel d’êtres esseulés, perdus dans le marasme d’une ville monde où le libre arbitre individuel est relayé au rang d’une utopie naïve.
Dans les précédents films du cinéaste (Lorenzo et Babe, le cochon devenu berger), on retrouvait déjà cette volonté farouche de George Miller à faire de ses personnages des petits grains de sable qui enrayent la machine écrasante qu’est la société. On retrouvera aussi cette même volonté avec les deux joyaux que sont Happy Feet 1 et 2 transposant, pour l’occasion, cette thématique à des fins métaphysiques dans un univers où tous les êtres sont consubstantiels et font avancer le monde ensemble.
Enfin, on ne saurait que féliciter les efforts monstrueux mis en œuvre pour dresser et diriger les animaux (pas moins de quarante-huiy cochons pour incarner Babe), qui, avec les enfants, sont les cauchemars des réalisateurs quand il s’agit de les diriger. Quant à la prouesse technologique (animatronique, images numériques), bel et bien présente, elle ne prend jamais le pas sur la puissance d’évocation que nous réserve cette perle rare. Le spectateur n’est à aucun moment berné par un florilège de démonstration technique, mais submergé par des séquences somptueusement mises en images par un auteur faisant fi de tout cynisme au profit d’une sincérité à toute épreuve.
À l’heure où la tendance des films pour enfants est à l’apologie du second degré complice, George Miller nous offre une œuvre humble, dont l’essence tient du premier degré salvateur, et dévoile un beau message d’espoir.
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