Une famille brésilienne
Le 9 avril 2018
Histoire tragique, décors désolés, ampleur de la mise en scène : l’un des plus beaux films de Walter Salles.
- Réalisateur : Walter Salles
- Acteurs : Rodrigo Santoro, José Dumont, Rita Assemani, Luiz Carlos Vasconcelos, Flavia Marco Antonio, Ravi Ramos Lacerda
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Brésilien, Suisse
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h30mn
- Box-office : 35.886 entrées France / 14.402 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Abril despedaçado
- Date de sortie : 30 avril 2003
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Résumé : En avril 1910, dans le nord-est pauvre du Brésil, une chemise tachée de sang se balance au vent. Tonho, fils cadet des Breves, est contraint par son père de venger la mort de son frère aîné, victime d’une lutte ancestrale entre familles pour des questions de terres. S’il remplit sa mission, Tonho sait que sa vie sera scindée en deux : les vingt ans qu’il a vécus, et le peu de temps qu’il lui restera à vivre. Il sera pourchassé par un membre de la famille rivale, comme le dicte le code de vengeance de la région. Angoissé par la perspective de la mort et instigué par son petit frère Pacou, Tonho commence à douter de la logique de la violence et des traditions. C’est alors que deux artistes d’un petit cirque itinérant croisent son chemin...
Notre avis : Après la reconnaissance internationale de Central do Brasil en 1998, Ours d’or à Berlin et référence immédiate, Walter Salles s’est vu catapulté figure du renouveau du cinéma brésilien, et pouvait donc tout se permettre, ou presque. Avec Avril brisé, le cinéaste transpose dans le Brésil des années 1910 le roman éponyme d’Ismaïl Kadaré, qui se déroulait initialement dans les montagnes d’Albanie. Le décor change, les personnages aussi, mais les enjeux restent similaires : ceux d’une tradition séculaire qui broie les hommes, les familles, dépassés par un "code d’honneur" auquel ils obéissent sans comprendre. Autant dire qu’Avril brisé prend parfois des airs de films mafieux type Le Parrain, mais d’une mafia dépouillée, misérable, perdue dans les déserts poussiéreux du Brésil. Walter Salles, dans une longue introduction muette et splendide, pose patiemment son décor et donne à son intrigue une dimension nouvelle, comme ancestrale. Sens du cadre, de l’espace et du silence remarquables, sa mise en scène compose d’authentiques tableaux et trouve ses repères, ceux-là mêmes qui feront la marque de fabrique de Salles : un naturalisme issu de son passé de documentariste, couplé à une noble ampleur à la David Lean. Un alliage qui donne naissance à quelques purs moments de grâce (la danse aérienne de la bohémienne Clara, magnifique) et à d’intenses moments de cinéma (la poursuite dans les arbres calcinés), autant de qualités qu’on retrouvera par la suite dans sa filmographie, notamment dans le superbe Carnets de voyage.
- (C) Mars Films
Les deux frères, personnages principaux, tentent de trouver une parade à leur existence toute tracée, échappatoires réelles (la romance, l’entraide fraternelle) ou fantasmées (les contes qu’invente avidement le jeune Pacou) au patriarcat - incarné par José Dumont, très bon en père-tyran pathétique. L’argument, au-delà des époques et des références, trouve sa source profonde dans la littérature antique grecque, vivier inépuisable et universel de grandes histoires tragiques, creusant la question de l’inéluctable du point de vue de l’humain. Walter Salles a parfaitement conscience de cette influence et débute l’action au cœur du conflit, sans prologue, sans explication, comme pour mieux souligner l‘absurdité des codes de la vendetta. Avril brisé est aussi semé de motifs graphiques signifiants (la chemise tachée de sang, la balançoire lancée dans l’inconnu) qui reviendront en fin de récit pour sceller les destinées, images s’imprimant au fond des cerveaux et donnant au film son identité. La fatalité ne tombera pas sur celui qu’on croit, et à la faveur du dénouement, la tragédie devient paradoxalement l’histoire d’une délivrance, celle d’un être qui s’ouvre à la vie, à l’amour, à la "magie" du réel (le rôle du duo de saltimbanques, à double-fond), alors que tout le condamnait. On pourrait reprocher au final d’Avril brisé d’être un peu rapide, un peu expédié (mais comme dans toute tragédie !) ; néanmoins, en brisant la mécanique de la Faucheuse de manière inattendue, il fait puissamment écho à tout un passif littéraire et cinématographique (la marche aveugle et sans freins du sort) en le prenant à revers. Walter Salles signait là ce que beaucoup considèrent comme son meilleur film ; ils n’ont peut-être pas tort.
Création : Le Cercle Noir pour Silenzio
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