Les Coquillettes - la critique

Aussi surprenant et réussi que La vie au ranch, Les Coquillettes, le nouveau film de Sophie Letourneur, séduit par sa vitalité et son naturel.

l’argument : Les aventures glamour et burlesques de Carole, Camille et Sophie, trois filles en mal d’amour invitées dans un festival de cinéma. En pleine régression elles préfèrent aller draguer dans les soirées plutôt que d’aller voir des films... Sophie piste désespérément l’acteur sexy du moment, Camille fantasme une idylle romantique alors que Carole a "juste envie de baiser" !

Notre avis : Elles mangent des cupcakes, font cuire des coquillettes et retracent le fil du festival d’où elles reviennent : les cuites, les fêtes, et surtout les « chassés croisés amoureux ». Sophie Letourneur fait une nouvelle fois preuve de son talent de dialoguiste et de metteur en scène, qu’elle dévoilait dans son premier long métrage La vie au ranch et avant ça dans son court métrage primé à Vendôme, Marin masqué.

L’ingéniosité de la réalisatrice réside dans son aptitude à reproduire dans ses fictions les conversations entre potes, où l’on se dit tout et n’importe quoi en un flot ininterrompu de paroles, sans aucun filtre. Ces conversations-là servent de carburant au film, faisant de l’intrigue un aspect secondaire, comme c’était déjà le cas dans son précédent opus. Ce n’est pas la trame qui fait avancer l’intrigue : il n’y a pas vraiment de progression, aucun suspense, mais la force de son nouvel essai cinématographique tient aux véritables morceaux de réel qu’il contient : spontanéité, énergie et créativité des dialogues improvisés... Les trois jeunes femmes entre elles sont impudiques, à la fois brusques et bienveillantes, et leur compagnonnage relève de la joute verbale continue.
Evidemment, la réalisatrice, sans jamais se prendre au sérieux, y apporte toute sa personnalité, (dans un second rôle Louis Garrel également, mais on a un peu l’habitude, c’est devenu un trait systématique de son personnage). Elle donne beaucoup dans le gag visuel érigé en art, jusque dans son propre jeu : elle multiplie les maladresses calculées, joue d’une démarche pataude et de l’auto dérision. Pas dupe de la comédie humaine, elle saisit l’instant et l’attitude où le ridicule fait tomber le masque social que ces adulescents veulent endosser. Car les échos de l’enfance sont nombreux dans l’attitude des trois filles qui veulent intégrer le monde des grands sans avoir fait tout à fait le deuil de leur adolescence.

Ce n’est pas le sujet affiché, mais Les coquillettes en dit long sur l’amitié féminine dans sa spécificité contemporaine. Plus crues, plus frontales mais peut-être aussi plus fusionnelles, les relations entre ces trois filles servent de noyau et de dynamique au film. Letourneur se contente souvent de filmer leur intimité partagée sans approfondir les personnages : les copines se chambrent et finissent leurs soirées autour de coquillettes, à commenter leurs conquêtes et leur taux d’alcoolémie. On peut reprocher au film sa superficialité apparente. Mais, à y bien réfléchir, il dit quand même beaucoup de choses sur sa génération. Il restera, avec La vie au ranch, un témoignage des mœurs d’une génération, à travers son langage et son rapport décomplexé au corps. Avec son pitch "girly" à souhait, le pari n’était pas gagné, mais Sophie Letourneur dépasse de loin l’écueil, délivrant un anti Sex and the city en faveur d’un buddy-movie à la française. Aussi audacieux que la série précitée est convenue, aussi moderne que Sex and the city est réac’ et faussement féministe.