Arsenic et vieilles dentelles - Frank Capra - critique

Critique : Tiré d’une pièce à succès de Joseph Kesselring, jouée pendant plusieurs années à Broadway, ce célèbre film de Frank Capra est un modèle d’adaptation théâtrale.
À part le prologue, le récit respecte à la lettre les codes de la scène : unité de temps et de lieu, avec juste quelques rares incursions dans la rue.
Ce parti pris risqué de pièce filmée a finalement été très payant. Le déroulement de l’histoire abracadabrante des deux tantes, gentiment meurtrières, de Mortimer, va monter crescendo. Quiproquos, retournements de situations, arrivée progressive de nouveaux personnages qui compliquent les événements, aucun temps mort ne sera accordé au spectateur.
Cary Grant gesticule avec son élégance habituelle, grimace, lance des onomatopées de son cru dans cette histoire qui le dépasse complètement. Il découvre petit à petit d’énormes secrets de famille, lui qui pensait juste partir en voyage de noces. Le couple qu’il forme avec Priscilla Lane, résolument moderne, fonctionne entre chamailleries et embrassades passionnées. Les deux tantes (Josephine Hull et Jean Adair), qui cachent une entreprise meurtrière (salutaire, selon elles !), sous des dehors rassurants, entre bonnes œuvres et confection de gâteaux, sont doucereuses à souhait.
Les choses vont encore se compliquer avec l’arrivée du frère de Mortimer, Jonathan (Raymond Massey), repris de justice à qui son âme damnée le Dr Einstein (Peter Lorre) a fait la tête de Frankenstein. A noter que dans la pièce, c’est Boris Karloff, l’interprète historique du célèbre monstre ("Frankenstein" 1931 et "La fiancée de Frankenstein" "Bride of Frankenstein" 1935, tous deux réalisés par James Whale), qui jouait le rôle de Jonathan, tout en faisant un clin d’œil à son modèle !
Tout cela, c’est sans compter l’oncle fou Theodore (John Alexander) qui se prend pour le président Roosevelt, le policier novice (Jack Carson) qui se pique d’avoir écrit une géniale et drôle pièce de théâtre, qu’il veut à tout prix faire partager avec ce célèbre critique qu’est Mortimer, et le directeur de l’asile de fous à l’air perpétuellement ahuri (Edward Everett Horton).

Frank Capra, qui tournait aussi à l’époque plusieurs documentaires de propagande réalisés pour l’armée, Pourquoi nous combattons ("Why We Flight", de 1942 à 1945) s’accorda cette parenthèse loufoque hors du temps, aussi réussie que réjouissante.