Le 28 mai 2016
Ce film de Singapour propose le portrait subtil d’un jeune homme pris entre son devoir et son idéal, et s’avère une réflexion glaçante sur la peine de mort.
- Réalisateur : Boo Junfeng
- Acteurs : Fir Rahman, Mastura Ahmad, Su Wan Hanafi
- Genre : Drame, Drame carcéral
- Nationalité : Français, Allemand, Singapourien
- Distributeur : Condor Entertainment, Condor Distribution
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 1er juin 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Aiman officie dans une prison de haute sécurité. Rahim, le bourreau en chef, y accompagne les derniers jours des condamnés. Rapidement, il prend le jeune gardien sous son aile et lui apprend les ficelles du métier. Aiman s’avère être un exécutant très appliqué, mais sa conscience et ses véritables motivations le rattrapent peu à peu...
- Copyright Meg White
Notre avis : Le cinéma de Singapour est souvent discret. Après les présentations cannoises de My Magic (Eric Khoo, 2008) ou Ilo Ilo, (Anthony Chen, 2013), on attendait avec intérêt la sortie de ce premier long métrage. Le film est une réussite et n’aurait pas démérité pour la Caméra d’or. Étude psychologique d’un jeune homme souhaitant solder les comptes avec son enfance, Apprentice est aussi la peinture acerbe d’une société en mutation partagée entre archaïsme juridique et modernité. Le personnage d’Aiman fait la jonction entre les deux approches et révèle les contradictions des Singapouriens à l’égard de la peine de mort. D’une part, il devient gardien pour être le représentant de la loi et n’hésite que très peu à devenir lui-même bourreau. Mais en même temps, il croit en la réhabilitation et aux secondes chances, ce que son propre parcours semble lui rappeler. « Les tensions entre sanction et pardon, entre discussion et compassion, sont au cœur du débat. En soi, Aiman est un personnage déclencheur qui pousse les gens à prendre position en s’interrogeant sur ce que leur dicte leur conscience », a déclaré Boo Junfeng.
- Copyright Joseph Nair
Le personnage de Rahim, qui n’est pas en proie au doute, représente donc pour Aiman tant un modèle qu’une seconde figure paternelle dont il devra être libéré pour assumer ses propres choix. Le film est alors d’autant plus passionnant qu’un mensonge initial lie les deux hommes, un secret de famille s’avérant incompatible avec la nouvelle fonction d’Aiman. Ayant poursuivi une enquête minutieuse dans le milieu carcéral singapourien, le cinéaste trouve un équilibre entre précision documentaire et tension romanesque et policière. Il livre ses meilleures scènes en s’attardant sur les rituels des condamnations à mort, jusqu’aux détails les plus sordides. La sécheresse de son style s’apparente ici davantage à la démarche de Nagisa Oshima dans La Pendaison ou Krzysztof Kieslowski dans Le Décalogue 5 : Tu ne tueras point, qu’au didactisme démonstratif d’André Cayatte dans Nous sommes tous des assassins. On appréciera aussi les rapports entre Aiman et sa sœur, sorte de mère de substitution, mais qui le trahira à sa façon en émigrant en Australie, mirage d’une jeunesse en quête d’idéal. Loin d’aligner les clichés, le film de Boo Junfeng les contourne pour proposer une œuvre prometteuse, au carrefour du cinéma d’auteur et du film de genre(s).
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