Coup de foudre à Cincinnati
Le 21 janvier 2016
Salué lors de son passage dans les festivals et très attendu en France, le nouveau film de Charlie Kaufman mérite t-il autant d’emballement ?
- Réalisateurs : Charlie Kaufman - Duke Johnson
- Acteurs : Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan, David Thewlis
- Genre : Comédie dramatique, Animation
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 4 mars 2017 20:50
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Date de sortie : 3 février 2016
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Salué lors de son passage dans les festivals et très attendu en France, le nouveau film de Charlie Kaufman mérite t-il autant d’emballement ?
L’argument : Michael Stone, mari, père et auteur respecté de « Comment puis-je vous aider à les aider ? » est un homme sclérosé par la banalité de sa vie. Lors d’un voyage d’affaires à Cincinnati où il doit intervenir dans un congrès de professionnels des services clients, il entrevoit la possibilité d’échapper à son désespoir quand il rencontre Lisa, représentante de pâtisseries, qui pourrait être ou pas l’amour de sa vie…
Notre avis :
Le très mystérieux Charlie Kaufman (scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou Dans la peau de John Malkovich) est de retour à la réalisation après un premier film métaphysique sorti en 2008, Synecdoche, New York.
Cette fois-ci, il s’associe au metteur en scène Duke Johnson, connu pour son épisode de l’excellente série américaine Community téléportant les personnages dans un monde en pâte à modeler. Autrement dit, ces deux artistes, aux univers « Kafkaiens », étaient faits pour collaborer. Anomalisa accumule les nominations dans les festivals dont les oscars 2016 pour la catégorie du meilleur film d’animation. Pourtant, cet accueil est-il vraiment mérité ?
A l’origine, le scénario fut développé en une pièce de théâtre écrite par Francis Fregoli, qui n’est autre qu’un pseudonyme de Charlie Kaufman. Jouée sur scène à New York et repérée par des producteurs, la pièce se transposa en un projet atypique pour le cinéma : de la pâte à modeler, 3 voix d’acteurs pour le doublage et un scénario se déroulant le temps d’un week-end à Cincinnati. Tous ces ingrédients promettaient un film plein de poésie, qui au final s’évapore peu à peu et laisse place à la frustration et l’ennui.
Le personnage principal s’apparente aux « héros » sortis de la filmographie de Kaufmann : un homme blasé, mélancolique, malheureux, criant de normalité et de solitude. C’est un être à bout de souffle qui erre dans un monde où les comportements lui sont devenus étrangers. La société est totalement déshumanisée et robotisée, à l’image d’un téléphone de chambre d’hôtel sur lequel les chiffres sont remplacés par des pictogrammes abscons. La rencontre avec Lisa (doublée par Jennifer Jason Leigh), femme innocente et douce, symbolise donc une anomalie parmi un agrégat de personnes superficielles qui ne s’écoutent plus réellement. Le récit rappelle fortement Lost in translation : l’histoire se déroule en grande partie à l’hôtel dans le cadre d’un « transit professionnel », où l’homme d’âge mûr tombe sous le charme d’un personnage féminin empreint de fraîcheur et d’insouciance, l’extirpant de sa torpeur. Globalement, on a comme l’impression de naviguer dans les couloirs de l’hôtel comme dans l’esprit de Michael, nébuleux et tourmenté au possible. Ici, règne l’absurde et le fantasque à l’image d’une scène semblable au fameux étage "7 et demi" de Dans la peau de John Malkovich.
La mise en scène et le travail de l’animation permettent de rendre l’univers palpable. Anomalisa s’immisce davantage dans l’aspect visuel, la fluidité et la noirceur du film en stop motion pour adulte Le Sens de la vie pour 9$99, plutôt que de la poésie et de l’innocence caractérisant la plupart des films en pâte à modeler (dont le touchant Mary et Max). Le rendu des visages, laissant délibérément les coutures visibles, provoque une sensation dérangeante. Au delà de cet élément, d’autres concourent à ce malaise telle qu’une scène de nu plus ou moins inattendue et interminable, ou encore l’utilisation d’une voix unique pour une multitude de personnages. Le lien d’amour entre ces êtres « non faits de chair » résonne avec ceux du moyen métrage I’m here, mais sont ici dépourvus de sensibilité et l’humanité. Les personnages sont vivants mais sans âme. Il en résulte une comédie ne provoquant pas de rires et un drame n’apportant pas suffisamment d’émotion.
En voulant définir la morosité d’un homme esseulé, Anomalisa finit par devenir lui-même monotone et quelque peu dénué d’intérêt. Bien qu’on ait envie d’y croire, il faut admettre qu’on est loin du charme attendu et que l’on a du mal cerner les motivations de Kaufman. Les metteurs en scène cherchent à recréer le malaise existentiel du personnage principal à travers le rendu visuel des marionnettes et les décors avoisinants. Malheureusement, en tant que spectateur, on éprouve justement ce sentiment dérangeant et empêchant toute implication dans le film. On a comme l’étrange sensation d’être le témoin forcé d’un monde insensible, « Guilliamesque » et repoussant, sans trop savoir où se mettre.
Anomalisa s’avère donc moins passionné et subtil que les anciens films auxquels a collaboré le metteur en scène. Contrairement à son titre, il reste tout à fait classique dans le fond et la forme, bien que cette dernière reste l’intérêt principal du film.
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