Le 29 avril 2024
Remarqué en 2009 avec Canine, récompensé à Cannes par le prix Un certain regard, le Grec Yorgos Lanthimos revient aux affaires avec Alps. Un film énigmatique au scénario ingénieux, mais qui manque cruellement d’empathie.
- Réalisateur : Yórgos Lánthimos
- Acteurs : Aggeliki Papoulia, Ariane Labed, Aris Servetalis, Johnny Vekris
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Français, Canadien, Grec
- Distributeur : A3 Distribution
- Durée : 1h33mn
- Titre original : Alpeis
- Date de sortie : 27 mars 2013
- Festival : Festival de Venise 2011
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Résumé : ALPS est le nom d’une société secrète. ALPS propose d’étranges services au moment du décès d’un proche. Est-ce qu’il s’agit de tromper la mort ou la vie ? Qu’importe, avant tout, il s’agit d’obéir à Mont Blanc. Et pour Mont Blanc, il faut respecter les règles, toutes les règles…
Critique : Étrange objet qu’Alps. Récompensé du prix Osella du meilleur scénario à la 68e Mostra de Venise, le troisième long-métrage de Yórgos Lánthimos est un film troublant, aussi bien par les sujets qu’il aborde (le deuil, le trouble identitaire…) que par sa façon de les traiter. Au départ, Alps laisse d’ailleurs difficilement percevoir son propos, se contentant de présenter brièvement quatre personnages – une infirmière, un ambulancier, une gymnaste et son entraîneur, dont nous ne connaîtrons jamais les vrais noms – et leur rapport avec la mort, ancrant le film dans une atmosphère à la lisière du fantastique. Puis, avec subtilité, le cinéaste laisse progressivement entrevoir leurs activités. Chacun d’entre eux fait partie d’ALPS, un groupe secret qui propose des services très particuliers : lorsqu’un individu décède, l’un de ses membres vient remplacer le défunt auprès de ses proches le temps qu’ils fassent leur deuil. Au début, le procédé surprend. Voir une infirmière trentenaire (surnommée Monta Rosa) se glisser dans les habits d’une adolescente de seize ans et faire siennes les expressions de la jeune fille comme si de rien n’était a, en effet, de quoi déconcerter. Puis, au fur et à mesure, les remplacements se font moins intrusifs, presque banals. Comme si, une fois dépassé le principe en lui-même, le spectateur finissait par y trouver un semblant de normalité.
Dans ce monde étrange et impalpable, les membres d’ALPS semblent en rupture totale avec la société. Pour accroître cette impression d’isolement et mieux souligner la singularité de ces « acteurs », Yórgos Lánthimos adopte une mise en scène résolument tournée vers le flou artistique. Un peu comme si le monde tournait autour d’eux, ou plutôt comme si le monde autour d’eux n’existait pas. Un scénario qui n’est pas sans faire penser à Dollhouse, la série de Joss Whedon, où des individus sont programmés pour accomplir des missions de tout type avant de voir leur mémoire effacée. Sauf qu’ici, les souvenirs des missions demeurent. Et c’est bien là le problème. Incarnant tour à tour une femme mariée dont le couple bat de l’aile, une joueuse de tennis de seize ans ou encore la meilleure amie d’une septuagénaire aveugle, Monta Rosa finit par mélanger complètement vies fictives et vie réelle. Complètement déboussolée, la jeune femme perdra progressivement tout repère, s’appropriant l’histoire des défunts qu’elle remplace jusqu’à en perdre la raison.
Malgré l’originalité de son scénario et l’acuité avec laquelle Yórgos Lánthimos dépeint les mécanismes du trouble identitaire, Alps déçoit tout de même sur plusieurs points. Si l’exhaustivité des situations n’était certes pas le but recherché, il aurait été plus pertinent de ne pas se focaliser uniquement sur le parcours de l’infirmière. Pourquoi, par exemple, ne pas s’être davantage intéressé à Mont Blanc, le fondateur d’ALPS, dont le temps de présence à l’écran est inversement proportionnel à son importance au sein du groupe ? Plonger dans la vie privée des trois autres membres d’ALPS et sonder leurs motivations aurait surement permis d’apporter un contrepoint à la seule « expérience » de Monte Rosa. On regrettera également un manque d’empathie pour les familles des défunts, que la mise en scène prive de toute identification (personnages rarement filmés frontalement…). Avec un pitch aussi original, Alps aurait pu être l’occasion de traiter plus en profondeur du deuil, du traumatisme engendré par le retour – même fictif – de l’être aimé, comme l’avait fait avec brio Robin Campillo dans Les Revenants. Dommage.
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