Le 4 juin 2023
Le premier long métrage de Jacques Rozier est une œuvre majeure de la Nouvelle Vague, hymne à la liberté et à la jeunesse, avec un ton oscillant entre légèreté et mélancolie.
- Réalisateur : Jacques Rozier
- Acteurs : Jean-Claude Aimini, Yveline Cery, Stefania Sabatini, Maurice Garrel, Marco Perrin, Vittorio Caprioli, Edmond Ardisson, Arlette Gilbert
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Potemkine Distribution, Action Gitanes, Antinéa, Aurore Édition
- Durée : 1h48mn
- Reprise: 4 septembre 2024
- Date de sortie : 25 septembre 1963
- Festival : Festival de Cannes 1962
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– Reprise en version restaurée : 4 septembre 2024
Résumé : Paris, 1960. Michel doit bientôt partir en Algérie pour faire son service. En attendant, il travaille comme machiniste à la télévision, ce qui lui permet de faire croire aux filles qu’il est une vedette. C’est ainsi qu’il séduit Juliette et Liliane, deux amies inséparables « comme les amandes philippines ». Les jeunes femmes, qui aimeraient le voir échapper au service militaire, essayent de l’aider à percer dans le cinéma, sans pour autant savoir qui sera l’élue de son cœur.
Critique : Le long métrage de Jacques Rozier vit le jour grâce au producteur Georges de Beauregard qui venait de trouver le succès avec À bout de souffle. Il demanda à Godard de lui recommander des cinéastes susceptibles de surfer sur la (Nouvelle) Vague, et c’est ainsi que se montèrent Lola de Demy, Cléo de 5 à 7 de Varda, et Adieu Philippine. Coécrit avec Michèle O’Glor, compagne du cinéaste, le scénario est plutôt ténu, les auteurs de la Nouvelle Vague privilégiant la mise en scène et la liberté de ton. Michel, un jeune machiniste travaillant à la télévision française, démissionne pour passer des vacances en Corse, en attente de son service militaire. Sur l’île de Beauté, il est rejoint par deux jeunes filles avec lesquelles il est lié depuis quelque temps. Le premier plan du film est accompagné du carton « Sixième année de la guerre d’Algérie ». C’est l’une des rares évocations de ce conflit armé dans la narration, mais on comprend que Michel fera partie des combattants. La censure interdisait tout traitement de ces « événements », ce qui explique en partie que Rozier ne s’y attarde pas. Ce réalisateur si peu politique préfère se concentrer sur la jeunesse de son époque, à travers le portrait de jeunes gens partagés entre l’insouciance inhérente à leur âge et l’inquiétude quant à la vie d’adulte. Le métrage passe ainsi avec subtilité de la légèreté à la mélancolie, du marivaudage au portrait des premières désillusions. En même temps, le réalisateur incruste avec bonheur des séquences quasi documentaires, quand il filme le tournage d’un téléfilm de Stellio Lorenzi (dont il fut l’assistant), ou le départ d’un paquebot pour le continent. Cette démarche proche du cinéma-vérité d’un Jean Rouch est plus évidente que chez ses condisciples de la Nouvelle Vague, même si certaines séquences (le travelling dans les rues de la capitale, avec visages curieux de passants) rappelleront le Godard d’À bout de souffle.
- © Aurore Édition
On apprécie aussi Adieu Philippine, un demi-siècle après sa sortie, pour son adéquation totale avec l’univers des sixties, ne serait-ce que par ses musiques d’ambiance (le cha-cha-cha dansé dans la boîte de nuit, et comparé au charleston des générations précédentes). En ce sens, on peut dire que Rozier et les réalisateurs de la Nouvelle Vague sont avant tout associés à cette décennie (on ne peut pas dire que Maine Océan, sorti en 1986, soit emblématique des années 80). En outre, c’est bien la mise en scène dans un décor naturel et un montage alternant digressions et ellipses qui font le prix du long métrage, Rozier étant aussi à l’aise dans les séquences nocturnes parisiennes que celles se déroulant sur de petites criques corses (avec un plan qui évoquera le Monika de Bergman). Ces passages estivaux annoncent de surcroît l’exquise valse des sentiments de Du côté d’Orouët, dont Rozier entreprendra le tournage à la fin de la décennie. Enfin, aux côtés de jeunes interprètes non professionnels, quelques seconds rôles « excentriques » convoqueront aussi le souvenir du cinéma des années 1930-50 (on songe au pittoresque repas chez les parents de Michel, incarnés par Maurice Garrel et Arlette Gilbert). Présenté avec succès dans divers festivals dont la Semaine de la Critique qui le sélectionna pour sa première édition, Adieu Philippine déplut pourtant à son producteur, et il fallut attendre plus d’un an avant qu’il ne soit distribué en salle. Projeté dans deux cinémas parisiens, le Monte-Carlo et la Pagode, il connut une presse élogieuse et un bouche-à-oreille positif. Adieu Philippine est donc la première grande réussite dans la filmographie d’un cinéaste peu prolifique.
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