Le 26 juin 2020
Le meilleur film de Bo Widerberg, mêlant propos politique, reconstitution historique et chronique intimiste, le tout teinté d’une délicate poésie impressionniste.
- Réalisateur : Bo Widerberg
- Acteurs : Peter Schildt, Kerstin Tidelius, Roland Hedlund, Anita Björk, Marie de Geer
- Genre : Drame, Historique, Romance
- Nationalité : Suédois
- Distributeur : Malavida Films
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h50mn
- Reprise: 24 juin 2020
- Titre original : Ådalen '31
- Date de sortie : 11 mai 1969
- Plus d'informations : Rétrospective Bo Widerberg
- Festival : Festival de Cannes 1969
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Résumé : 1931. À Ådalen, au nord de la Suède, la grève a débuté depuis quatre-vingt treize jours. Kjell Andersson, fils d’un docker, s’éprend d’Anna, la fille d’un directeur d’usine. La revendication se durcit quand les patrons font appel à des Jaunes, des ouvriers d’autres provinces, pour faire le travail des grévistes. L’armée arrive en ville pour faire respecter l’ordre, et le ton monte. Pendant ce temps, à l’insu des parents, Kjell et Anna sont emportés par leurs sentiments.
Bande-annonce rétrospective Bo Widerberg :
Critique : Bo Widerberg (1930-1997) fait partie de la génération des cinéastes européens ou asiatiques qui ont suivi la voie de la Nouvelle Vague française, à l’instar de Forman en Tchécoslovaquie, ou Oshima au Japon. Mais il éprouva du mal à s’affranchir de l’ombre tutélaire d’Ingmar Bergman, souvent considéré comme le seul grand représentant du septième art en Suède. Pourtant, les films de Widerberg sont à (re)découvrir, et l’on ne peut que louer le distributeur Malavida pour l’initiative d’une rétrospective de son œuvre, à partir du 24 juin 2020. Adalen 31 se situe dans sa filmographie entre Elvira Madigan (1967) et Joe Hill (1971), récompensés au Festival de Cannes, le premier par le prix d’interprétation féminine, et le second par le prix du Jury. Adalen 31 prolonge la tonalité romanesque d’Elvira et annonce le militantisme subtil de Joe Hill. Les trois longs métrages ont pour point commun d’être basés sur des faits réels ayant marqué la mémoire collective des Suédois. La trame est ici l’évocation d’une grève dans une usine de la région d’Adalen, qui produit de la pâte à papier. Le refus de patronat d’accorder une légère augmentation de salaire débouche sur un conflit au cours duquel les forces armées seront contraintes d’intervenir. Bo Widerberg est certes fidèle au matériau historique, avec un souci de réalisme dans la narration d’un drame social authentique.
- © Malavida
Il a ainsi déclaré : « Le film a été tourné sur les lieux mêmes. Les figurants, dans leur majorité, sont des gens qui ont réellement vécu le drame. Si bien que lorsque je réglais la chute des corps durant la fusillade, certains venaient me trouver pour m’indiquer l’emplacement exact. Comme je tenais à respecter au maximum la tension du moment, je donnais à chaque fois les ordres en conséquence ». Le réalisateur n’en oublie pas les cartons indicatifs situant le contexte historique, incrustant également un édifiant plaidoyer en faveur de la social-démocratie suédoise avant le générique de fin, dans la lignée des films de propagande du réalisme socialiste. Pourtant, le réalisateur évite les pièges de la reconstitution historique académique ou du film militant à gros sabots, préférant un traitement poétique et impressionniste qui apporte une certaine distance, tout en distillant une réelle émotion. C’est que les vrais protagonistes sont des adolescents, qui sont les témoins de cette grève, tout en se trouvant à une étape charnière de leur existence, puisqu’ils s’éveillent à la fois à la conscience sociale et politique et à aux sens. Et le cinéaste préfère s’attarder sur leur vie familiale et amoureuse, avec une prédilection pour les digressions contemplatives qui renforcent le côté pictural de l’œuvre. L’amour entre les jeunes Kjell et Anna, qui n’ont pas la même condition sociale, n’est en outre pas l’objet d’une dramatisation sociale à la « Roméo et Juliette ».
- © Malavida
Il faut dire que les parents respectifs sont plutôt tolérants et bienveillants : le père de Kjell soigne les blessures d’un « Jaune », victime d’une agression des grévistes, quitte à être qualifié de traître par ses camarades syndicalistes. La mère d’Anna (touchante Anita Björk) donne une leçon d’histoire de la peinture à Kjell, et lui apprend à prononcer correctement le nom d’Auguste Renoir. Le respect de la personne et l’amour de l’art, amortisseur de la lutte des classes selon Bo Widerberg ? On serait tenté de le croire, et le réalisateur oppose le tempérament de ce jeune esthète issu de la classe populaire au comportement martial de ses pairs, davantage dans une logique d’affrontement. Un autre intérêt d’Ådalen ’31 est sa capacité à greffer des préoccupations sociétales de la fin des années 60 à un cadre historique des années 30. La sexualité des jeunes, l’émancipation de la femme ou l’avortement y sont évoqués sans détour, de même que la condition ouvrière, qui était encore à l’ordre du jour en cette fin de Trente Glorieuses. Le film de Widerberg s’inscrit en fait dans un courant socio-politique et romanesque qui a donné des œuvres majeures, dont Le Conformiste et 1900 de Bernardo Bertolucci. Ådalen ’31 obtint le Grand Prix du Festival de Cannes 1969, décerné par le jury présidé par Luchino Visconti.
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