Immense
Le 26 avril 2024
Cronenberg à son meilleur : attendez-vous à une jubilation stratosphérique !
- Réalisateur : David Cronenberg
- Acteurs : William Hurt, Viggo Mortensen, Maria Bello, Ed Harris, Ashton Holmes
- Genre : Thriller, Film de gangsters
- Nationalité : Canadien
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Editeur vidéo : Metropolitan Video
- Durée : 1h36mn
- Date télé : 19 novembre 2024 21:39
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 22 novembre 2005
- Festival : Festival de Cannes 2005, Sélection officielle Cannes 2005
Résumé : Tom McKenna, un père de famille à la vie paisiblement tranquille, abat dans un réflexe de légitime défense son agresseur dans un restaurant. Il devient un personnage médiatique, dont l’existence est dorénavant connue du grand public...
Critique : Première scène : un plan-séquence hallucinant qui épouse la structure du film. En apparence, tout semble calme, lisse, tranquille ; en profondeur, tout est sombre, tortueux, secret. A History of Violence, diamant noir à la beauté épurée, ne parlera que de ça : de la surface a priori lisse qui ensevelit des mystères et des menaces souterraines. On sait depuis Le festin nu (1991) que David Cronenberg a abandonné le gore explicite pour une forme de fantastique plus subtile afin de traduire la détresse psychologique de ses personnages. Soit. Seulement voilà, le cinéaste naguère adulé a écopé depuis quelques années d’une réputation de réalisateur pépère qui signe des films faussement œdipiens calibrés pour remporter un prix à Cannes et séduire une certaine intelligentsia. Oubliez les chichis. Avec A History of Violence, Cronenberg subjugue, impressionne, surprend en réussissant une œuvre sublime, à l’intersection de deux registres (gore et subtil), à l’extrême opposé de son précédent Spider, opus qui n’était pas exempt de grandes qualités.
Ce faux film policier divinement mis en scène possède une thématique foisonnante qui amplifie une réflexion sur la violence à la fois physique et morale. Adapté d’un roman graphique éponyme de John Wagner, [1] ce voyage paranoïaque et schizophrène instille une atmosphère oppressante où le suspense le plus haletant le dispute à la folie la plus sourde. Toute la première partie du film se focalise sur les efforts des deux parents pour contrer l’horreur, et de Tom pour se débarrasser des démons à sa porte. En filigrane, Cronenberg s’intéresse aux relations familiales, questionne le problème de l’hérédité et surtout enregistre des scènes de sexe décomplexées et d’une grande puissance érotique.
La suite, quelque chose comme une réponse ambiguë à Kill Bill de Tarantino - puisque ici se dégagent une vraie réflexion et un style très personnel - confirme que Cronenberg négocie un virage et confère à son thriller une dimension curieuse en passant par un mélange des genres exquis, avec des grandes plages d’émotion et des instants de drôlerie inattendus : histoire de mieux sonder la bête qui somnole en chacun de nous. L’ensemble, solide comme un roc, atteint un degré constant de jubilation stratosphérique. A History of Violence est un uppercut quasiment parfait et méchamment heureux : audacieux, hilarant, inquiétant, triste, singulier, fiévreux. Il importe d’aller le voir à répétition pour savourer toutes les subtilités de cet objet ténébreux mais, en l’état, une première lecture suffit pour se rendre compte à quel point ce nouveau Cronenberg est immense et sublime.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Fait rare, tous les bonus de cette édition prestige sont absolument incontournables ! A commencer par le making of de plus d’une heure, découpé en huit chapitres. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu un tel documentaire, à la fois captivant, drôle, informatif, humble et chaleureux. Toutes les personnes impliquées sur le tournage font part de leur expérience. Des techniciens, complices de David Cronenberg depuis vingt ans, décrivent l’ambiance sincèrement familiale qui règne sur les plateaux du cinéaste canadien. On y apprend qu’aucune scène n’est préparée à l’avance, que tout se décide selon l’inspiration immédiate du réalisateur, ce qui implique une étonnante réactivité de la part des décorateurs, costumiers ou encore acteurs. On les découvre d’ailleurs en pleine répétition, soumettant des idées sous le regard (et l’oreille) bienveillant de Cronenberg. Viggo Motersen est assurément le comédien le plus impliqué et le plus généreux qui ait été filmé pour les besoins d’un making of ; étonnant en effet de le voir ramener des objets divers qu’il estime coller à l’univers de son personnage. Voilà un document précieux qui démontre à quel point Cronenberg est un auteur, et se sert du talent de tous pour réaliser la meilleure œuvre possible. Cette édition nous donne également l’occasion de voir la seule scène coupée (étalonnée et mixée pour le DVD). Il s’agit d’un rêve dans lequel Tom tire une décharge de chevrotine dans le bide de Fogerty. Une scène curieuse qui, de l’aveu même de son réalisateur, se démarque trop de l’ensemble du film. Un petit making of vous fait même pénétrer dans les coulisses de cette séquence apparemment lourde à monter (cascade, hémoglobine, prothèses, coups de feu). On découvre que la version américaine a été légèrement adoucie au niveau de la violence. Enfin, façon de parler, car seuls deux plans sont concernés et il s’agit de quelques gouttes de sang en moins. Un autre petit module nous embarque directement à Cannes où le film était en sélection officielle. Durant la conférence de presse, on peut entendre Cronenberg lancer la phrase qui clôt définitivement le débat. A la question "A History of Violence est-il drôle ?", il répond : "Je ne suis pas surpris qu’on applaudisse ces séquences [de violence]. Je voulais que le public soit complice, je voulais l’impliquer. Il faudrait surtout leur demander, à la sortie du film, leur sentiment par rapport à cette complicité. Si la violence était amenée de telle façon que le public se sente dégoûté et extérieur au film, c’est que j’aurais raté mon but. J’aurais échoué dans ma démonstration du paradoxe qui est qu’on peut prendre du plaisir à ce qui nous révolte moralement". Désormais, et c’est plutôt appréciable, on peut rire à ce film sans passer pour un psychopathe. Enfin, un commentaire audio du maître achève le tour d’horizon d’analyse de ce chef-d’œuvre. Comme le reste, c’est tout aussi captivant sans pour autant faire doublon.
Image & son : Rien à signaler de négatif sur cette édition qui ne vole pas son cachet "prestige". Image d’une netteté cristalline et un Dolby Digital 5.1 qui va vous faire péter les tympans lors des scènes de carnage.
[1] A History of Violence, John Wagner & Vince Locke, Delcourt, octobre 2005
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Guerlane 20 novembre 2005
A History of Violence - David Cronenberg - critique
Ce film porte bien son titre, les scènes sont parfois hyper violentes effectivement... Les acteurs sont très bons et jouent juste, l’ambiance est étrange, pesante.
L’histoire commence dans un bled paumé des Etats-Unis où un gars (Tom) mène une vie de famille paisible, essayant comme tout un chacun de gagner trois ronds en bossant durement dans son bar-restaurant ; y débarquent un jour deux malfrats qui veulent lui piquer la caisse et menacent la vie de ses employés. Tom finit par les abattre... avec une maestria (si on peut dire) qui d’abord fait de lui le héros régional puis finit par interloquer un peu ses compatriotes ; d’autant plus quand de dangereux personnages, semblant s’intéresser de près à son passé, débarquent à leur tour dans le coin pour lui tourner autour...
En tant que spectateur on est un peu mal à l’aise de voir ce type, qui a mis son passé de côté pour mener une vie rangée, se voir rattraper malgré tous ses efforts et alors qu’il n’a rien demandé, par sa vie précédente. On se dit que le facteur chance a réellement un rôle dans ce que l’on devient, un geste en amenant un autre... On est par exemple un "fils modèle", pacifique, qui courbe le dos sous les quolibets des autres, jusqu’au jour où on pète un câble et qu’on envoie l’autre direct à l’hosto... N’importe lequel d’entre nous pourrait finalement être pris dans l’engrenage de cette "histoire de violence"...
puremorning 23 novembre 2005
A History of Violence - David Cronenberg - critique
"illuminé"
Une famille sans histoire dans un bled sans histoire et puis l’étincelle qui fait basculer le film : le restaurant tranquille de Tom Stall est braqué. Tom devient un héros malgré lui en sauvant une employée ; et en abattant deux hommes.
Mais qui est Tom Stall ? Ce bon père de famille que tout le village aime ou un implacable tueur que croit reconnaître un gangster particulièrement tenace ?
Le récit, rendu efficace par la grâce de la réalisation d’un David Cronenberg en pleine forme, se double d’une parabole sur la violence, la rédemption. Un homme ne peut pas fuir son passé, même avec la meilleure volonté du monde, mais cette volonté-là suffit-elle à faire oublier les actes commis lors de la vie antérieure ?
Viggo Mortensen habite le doute du héros avec un jeu remarquable, passant de Tom-le-gentil à Joey-le-méchant en un clin d’œil. De l’art d’être un acteur protéiforme.
Le film, lui-même, joue sur différents registres, du classicisme du début, au réalisme gore des scènes de violence en passant par l’atmosphère du film noir sur la fin. La réalisation transcende le simple exercice de style, faisant de ce puzzle formel, un chef d’œuvre d’une unité remarquable.
Vraiment, il faut voir « A history of violence ».
etienne2056 21 novembre 2006
A History of Violence - David Cronenberg - critique
David Cronenberg revient trois ans après Spider avec un grand film. Dès la première scène, un efficace plan séquence, on entre dans cette histoire de violence (comme le titre l’annonce). En effet, David Cronenberg s’attaque aujourd’hui à la violence, et en particulier la dégradation de l’homme par l’homme. Un sujet pas facile qui a suscité plusieurs tentatives décevantes auparavant. Ici, Cronenberg réussit son coup à merveille. Avec l’aide d’acteurs formidables comme Viggo Mortensen ou Maria Bello, il signe un film accompagné d’une grande mise en scène. La scène finale est d’ailleurs incroyable. Viggo Mortensen arrive à glacer le spectateur par un simple regard. C’est tout simplement formidable. Le scénario quant à lui est bon. Seulement voilà, une bonne partie du film n’est pas très originale et ne se démarque pas des autres films. Enfin, cela reste un détail, car A History of Violence n’a rien d’habituel et offre un message puissant qui prend le spectateur aux tripes. Une mise en scène impeccable pour des acteurs magistraux.