Etat "polissier"
Le 12 juillet 2012
Slogan des années 1970, pour réalité d’aujourd’hui : le premier film de Stefano Sollima se coltine caméra au poing le défi de traiter de sujets qui fâchent l’Italie contemporaine, le tout avec un style (un peu trop) survolté, influencé par l’univers de la série.
- Réalisateur : Stefano Sollima
- Acteurs : Pierfrancesco Favino, Filippo Nigro
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action
- Nationalité : Français, Italien
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 18 juillet 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Reims 2023
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Slogan des années 1970, pour réalité d’aujourd’hui : le premier film de Stefano Sollima se coltine caméra au poing le défi de traiter de sujets qui fâchent l’Italie contemporaine, le tout avec un style (un peu trop) survolté, influencé par l’univers de la série.
L’argument : ACAB, ou “All Cops are Bastards”, était un slogan initialement utilisé en Angleterre dans les années 1970 par les skinheads. Rapidement il s’est propagé dans les rues et les stades, propices aux guérillas urbaines. Cobra, Nero et Mazinga sont 3 « flics bâtards » qui, à force d’affronter le mépris quotidien, ont pris l’habitude d’être les cibles de cette violence, reflet d’une société chaotique dictée par la haine. Leur unique but est de rétablir l’ordre et de faire appliquer les lois, même s’il faut utiliser la force…
Notre avis : Un film qui commence et se termine in medias res. Entre la première séquence – où le spectateur est projeté, de force, dans l’action – et la dernière, les coups pleuvent et la parole se transforme souvent en cri. Les faits sont là : la violence existe, la haine aussi. Ces sentiments bruts, quasi-pulsionnels, débordent l’espace et le temps du film ; ils agissent comme donnée de départ. Dès lors, All cops are bastards se veut moins une démonstration ou une tentative d’explication qu’une étude volontairement un peu détachée de son objet, comme si elle le prenait soin de l’observer avec une distance salutaire. Détachement paradoxal pourtant, car le film adopte le point de vue de quatre personnages (ou plutôt « trois + un »), qui incarnent autant de tranches de haine. La force troublante du film consiste à nous faire « avaler » l’univers dans lequel il nous plonge – et dont les références moraux et idéologiques balaient un spectre effrayant et primaire, depuis la nostalgie fasciste jusqu’à l’éternelle loi du talion –, tout en conservant un cran de sécurité, plus lié à l’ironie qu’aux bons sentiments. Avec un courage certain, le projet même du film pose en filigrane une question de morale, dont l’absence de réponse a pu causer en France des dégâts politiques et sociaux : comment comprendre les phénomènes d’extrémisme, sans pour autant les cautionner ? Regarder en face, n’est-ce pas déjà participer ?
L’univers d’All cops are bastards est littéralement éprouvant, car clos sur lui-même, en dépit de son ambition à parler de la société italienne tout entière : n’existent dans le champ de vision des protagonistes, comme borné par des œillères, que les deux camps en affrontement (des « ultras » face à d’autres « ultras », les premiers contre l’Etat et les seconds prêts à défendre ses cendres). A côté, à la marge, des fragments des dommages collatéraux : les immigrés victimes de la haine, les Italiens tentés par des solutions radicales. Stefano Sollima filme comme il tracerait un croquis rapide face à une scène de désordre : les séquences de confrontation, sans doute les plus intéressantes par leur degré de réalisme, et par le caractère impitoyable avec lequel elles traitent la question de la violence, sont habitées par l’énergie et la précision. Moins convaincants, certains pans des « histoires personnelles » de chaque personnage, dont le traitement dramatique s’inscrit dans un récit plus traditionnel, et ne rend peut-être pas suffisamment compte du caractère à la fois hors normes et terriblement banal de ces hommes dont le métier est (malgré tout) de cogner. En poussant la radicalité un peu plus loin, All cops are bastards aurait pu lorgner encore plus directement vers un cinéma comme celui de Matteo Garrone ou le fameux Romanzo criminale de Michele Placido. Les nuits poisseuses et les éclairages peu flatteurs – davantage hérités de l’univers de la série que du polar classique – sont en tout cas à mille lieues de l’image d’Epinal que nous offre parfois encore le cinéma italien contemporain ; comme si, par cauchemars éveillés, un pays décidait de regarder son envers.
Lire notre entretien avec le réalisateur, Stefano Sollima : ICI
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