Palme d’or Cannes 2007
Le 4 mai 2024
Palme d’or pour un coup de maître : le jeune Roumain Cristian Mungiu réalise une fiction rude et impressionnante, au meilleur sens du terme. Palme d’or Cannes 2007.
- Réalisateur : Cristian Mungiu
- Acteurs : Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov, Luminita Gheorghiu, Doru Ana
- Genre : Drame
- Nationalité : Belge, Roumain
- Distributeur : Bac Films
- Editeur vidéo : BAC Vidéo
- Durée : 1h53mn
- Titre original : 4 luni, 3 saptamini si 2 zile
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 29 août 2007
- Festival : Festival de Cannes 2007, Sélection officielle Cannes 2007 (en compétition)
Résumé : Otilia et Gabita sont étudiantes. Elles habitent ensemble dans une résidence universitaire à Bucarest. Gabita est enceinte. Dans l’après-midi, les deux jeunes filles ont rendez-vous avec un homme mystérieux qui doit faire avorter secrètement la demoiselle dans un hôtel. Ce dernier refuse l’argent rassemblé par les deux jeunes filles et demande à être payé en nature. Le cauchemar peut commencer.
Critique : 4 mois 3 semaines et 2 jours constitue un authentique bloc de rude intensité qui assure la capacité d’un réalisateur alors méconnu dans nos contrées (Cristian Mungiu) à traiter d’un sujet âpre sans compromis ni complaisance. Alors qu’il aurait pu se contenter de réaliser un balourd sujet de cinéma-vérité chéri par les grands débats télévisuels, le cinéaste conscient des écueils à éviter dans de pareilles circonstances signe un film (et non pas un téléfilm, merci bien) pourvu d’une maîtrise visuelle époustouflante qui s’exprime jusque dans un insoutenable plan-séquence où l’héroïne assiste blafarde à un dîner familial et se laisse inonder par les bavardages oiseux. Une présence grave parmi des convives aveugles et égoïstes rivalisant de futiles banalités. En scrutant son regard et son visage, Mungiu instille un malaise qui contamine progressivement. Le résultat est rempli d’audaces de ce genre jusque dans la composition des cadres et plans-séquences qui conférent l’impression de cloisonnement lors des premières images (le film s’apparente à une prison sans issue) ou dans la simple idée de donner au faiseur d’anges nauséabond le surnom de « monsieur bébé ».
Constat implacable : l’innocence des anges blancs est corrompue par des monstres humains. La nuit, des ombres menaçantes coursent de jeunes demoiselles dans les rues. Dans la barbarie morale ambiante, seule une étudiante, frêle et déterminée, viendra secouer les hypocrisies et les lâchetés pour s’affranchir d’une dictature sociale et mener jusqu’au bout son dessein secret. À l’aune de son titre énigmatique, 4 mois 3 semaines et 2 jours reflètent le décompte mental, le bouillonnement intérieur d’une femme en total dénuement pour sa camarade enceinte et honteuse dans une Roumanie sous Ceaucescu. À travers une histoire minimaliste qui ne prête aucunement à la gaudriole, se dessine une parabole politique grandiose sur le pourrissement d’un pays obsolète et étriqué. Aujourd’hui, que l’on se rassure, le pays va mieux : il a trouvé un auteur de talent qui avec ses confrères (Cristi Piu, Catalin Mitulescu, Radu Muntean, Corneliu Porumbuiu - on ne comptera hélas pas dans cette flamboyante liste le regretté Cristian Menescu, auteur de California Dreaming, également célébré à Cannes) n’hésite pas à plonger sa caméra dans des entrailles pourries et désire écorner l’image d’un territoire a priori peu cinématographique.
Un bruit, une cacophonie visuelle, un crépuscule qui fout les jetons. La dernière partie, d’une noirceur inouïe, fait basculer le récit dans l’horreur pure et viscérale, loin des Freddy Kruger et autres boogeyman imaginaires de gnognotte, et nous gifle sèchement avec des images traumatisantes qui n’en finissent pas d’agresser notre esprit tranquille. À travers cet itinéraire peu gâté, le cinéaste laisse le temps aux plans de vivre, d’absorber toute trace de philanthropie, de plonger dans un capharnaüm grouillant. En filigrane, il accomplit des prouesses pour mêler le texte et l’image, le sens et la sensation, l’abstraction et l’émotion, et annone en état de grâce deux trois choses essentielles sur l’amitié, la solidarité, la débrouillardise en balançant aux orties la lourde charge didactique d’un Ken Loach faussement révolté. Son regard - incisif - tue, comme celui - glaçant - lancé par l’actrice (Anamaria Marinca) dans le plan final. Histoire que la réalité du monde actuel nous frappe de plein fouet.
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Norman06 27 avril 2009
4 mois, 3 semaines et 2 jours - Cristian Mungiu - critique
Le choc du festival de Cannes. Dans un style semi-documentaire, filmé en temps réel, un récit prenant à l’efficacité digne d’un bon thriller. Les deux actrices sont remarquables. Sans doute le meilleur film roumain de l’histoire du cinéma, avec La Mort de Dante Lazarescu.