La somme de toutes les amours
Le 9 novembre 2024
Film-somme superbe, à la fois maudit, attendu, fantasmé, frustrant, beau, sensuel. Brillant mais factice.
- Réalisateur : Wong Kar-wai
- Acteurs : Zhang Ziyi, Takuya Kimura, Faye Wong, Gong Li, Tony Leung Chiu-wai, Chen Chang, Maggie Cheung, Carina Lau
- Genre : Drame
- Distributeur : The Jokers
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 2h09mn
- Reprise: 18 décembre 2024
- Date de sortie : 20 octobre 2004
- Festival : Festival de Cannes 2004
– Reprise en version restaurée : 18 décembre 2024
Résumé : Hong Kong, 1966. Dans sa petite chambre d’hôtel, Chow Mo-wan, écrivain en mal d’inspiration, tente de finir un livre de science-fiction situé en 2046. À travers l’écriture, Chow se souvient des femmes qui ont traversé son existence solitaire...
Critique : 2046 est à In the Mood for Love ce que Dancer in the Dark était à Breaking the Waves : une sorte de calque éblouissant qui, par la magie du trompe-l’œil, alimente une thématique complexe et provoque des réactions exacerbées. Plus précisément, Wong Kar-wai se sert des réminiscences d’In the Mood for Love pour mettre en scène un drame glacé et stylisé sur le souvenir, qui s’adresse aussi bien à l’intellect qu’aux sentiments. En filigrane, il propose une réflexion sur la création, doublée d’histoires d’amour plurielles et d’une mise en abyme sur l’artiste, sa vie, son œuvre.
L’écrivain (Tony Leung Chiu-wai) utilise les détails de son quotidien pour édifier un récit de science-fiction éminemment romantique. Les souvenirs et les secrets d’alcôve grouillent, se confondent, se perdent puis se retrouvent tous dans le fil ténu d’un récit étrange autour d’un mystérieux train qui accompagne des hommes meurtris à la recherche d’un visage aimé et perdu. On retrouve tous les petits riens qui font les plus grands écheveaux passionnels du réalisateur : des larmes nichées dans le creux des joues, des frôlements de corps, des regards subreptices. Tous les fragments érotiques de la passion charnelle dont le réalisateur décortique avec l’acuité qu’on sait le mécanisme fascinant en trois étapes : physique (Zhang Ziyi), métaphysique (Faye Wong), romantique (Gong Li).
- © 2024 The Joker Films. Tous droits réservés.
Seulement, sous cette rhétorique bien huilée, il se cache quelque chose de plus subtil. Quelque part entre la redondance et l’expérimentation, 2046 ouvre deux brèches dans le cinéma de Wong Kar-wai : celles de l’autodérision parodique et de la radiographie filmographique. En confrontant Tony Leung Chiu-wai, son acteur fétiche, à ses anciennes amours (Faye Wong dans Chungking Express, Maggie Cheung dans In the Mood for Love) et ses nouvelles (Zhang Ziyi), l’esthète chinois livre une sorte de film-somme viscéralement nostalgique et mélancolique sur l’angoisse du temps qui passe et les erreurs du passé. C’est souvent beau, fatalement frustrant compte tenu les attentes suscitées, foncièrement enivrant par son esthétisme léché à l’extrême. D’où une impression de film hybride, tantôt sublime, tantôt redondant, tantôt sensuel, tantôt obsolète.
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Jeds 6 avril 2005
2046 - Wong Kar-wai - critique
a Bande Originale de ce film est merveilleuse, elle emporte le spectateur dans un autre monde.
Les acteurs sont excellents !! Et je donnerais une mention spéciale à Faye Wong qui incarne un droïde d’un charme fou....
Il y a des plans magnifiques dans ce film... wow
Je suis pas particulièrement fan de Wong Kar Wai, mais là, ce mec, il m’a donné envie de faire un film de robots... Alors ke son film n’est pas un film de science fiction puisk’il se passe dans les années 60’ à Hong Kong !!!
kiwi51 10 août 2006
2046 - Wong Kar-wai - critique
Staircase
2046 n’est pas un film facile à emboîter, pas un film facile à encaisser dans la mesure où la structure temporelle n’a aucune issue. Admirable histoire de passion fusionnelle entre un écrivain et une femme de mauvaise vie (interprétée par une Zhang Ziyi proprement hallucinante de beauté) dont les relations tumultueuses qu’ils entretiennent les poussent à s’aimer et se haïr dans tous les cas.
A la structure lente, quasi ténébreuse, 2046 n’a de 2046 que le nom, dans la mesure où 80% du film se déroule dans les années 60, plus particulièrement entre 1968 et 1969. Un formidable jeu de gosse avec pour élément central le plaisir et l’amour (thème récurrent chez WKW). Les deux "colocataires" d’un vieil immeuble ostentatoire se cherchent, jouent jusqu’à tomber amoureux l’un de l’autre. Entre l’écriture de quelques lignes de son roman porno (il préfère les romans pornos, plus simples à écrire qu’un roman de sabre dit-il) Chow imagine une ville, une cité, même une époque totalement imaginaire, où les individus pourraient se retrouver : En 2046. A partir de là, ce métrage archi conceptuel prend une forme de produit purement expérimental où WKW pourrait laisser libre cours à son imagination la plus fantasque.
Les personnages féminins, d’une grâce presque troublante s’avèrent être magnifiées telle une sculpture que l’on scruterait jusque dans les moindres détails pour en extraire la pépite la plus sulfureuse. Ainsi, Zhang Ziyi nous décroche la mâchoire à plusieurs reprises de part sa sensualité et son charme divins. La courte apparition de Maggie Cheung se suffit à elle seule tant elle dégage un pouvoir surréaliste, une classe, un respect tel qu’on ne dit mot en la voyant. De même que l’aura mystérieuse se dégageant des androïdes féminins, même machine on peut y déceler le moindre soucis, le moindre désarroi de vivre constamment dans le train en direction de 2046.
Le film de WKW n’est pas un simple film comme les autres, c’est aussi une étrange et étonnante fusion entre l’image et la -formidable- musique. Ainsi, la réalisation pleine de raffinement titille la rétine plus d’une fois en jouant constamment avec les ombres, les silhouettes et même les couleurs, les textures (omniprésence du bois époque 68, contrastant fortement avec le métal et les néons du train pour 2046). L’utilisation excessive de la baisse d’image par seconde pourra rebuter au premier abord, mais on s’y fait vite, précisant quand a lieu le point de vue omniscient accompagné d’une voix off, celle de Chow, écrivain. Certes il écrit, joue aussi, mais il voit. Cependant, le récit est intriguant, mystérieux, presque pudique, comme si WKW ne voulait trop en dire. C’est ainsi que, paradoxalement, 2046 passe le plus clair de son temps à évoquer, narrer et décrire cette époque ancrée dans la fin des années 60.
Bref, des acteurs et actrices parfaits, des décors sobrement mis en valeur, une mise en scène soignée et impeccable et une bande sonore des plus réussies m’ont fait passer 2 heures très agréables malgré une histoire qui a un peu de mal à démarrer.