Space Oddity
Le 3 avril 2018
À l’orée de la conquête spatiale, Kubrick posait la pierre de touche du film de science-fiction. Une œuvre métaphysique et grandiose au rythme envoûtant.
- Réalisateur : Stanley Kubrick
- Acteurs : Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Leonard Rossiter, Margaret Tyzack
- Genre : Science-fiction, Expérimental
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h21mn
- Reprise: 7 juin 2023
- Box-office : 3 411 278 entrées France /
- Titre original : 2001: a Space Odyssey
- Date de sortie : 27 septembre 1968
– Reprise en version restaurée : 7 juin 2023
Résumé : À l’aube de l’Humanité, dans le désert africain, une tribu de primates subit les assauts répétés d’une bande rivale, qui lui dispute un point d’eau. La découverte d’un monolithe noir inspire au chef des singes assiégés un geste inédit et décisif. Brandissant un os, il passe à l’attaque et massacre ses adversaires. Le premier instrument est né. En 2001, quatre millions d’années plus tard, un vaisseau spatial évolue en orbite lunaire au rythme langoureux du "Beau Danube bleu". A son bord, le docteur Heywood Floyd enquête secrètement sur la découverte d’un monolithe noir qui émet d’étranges signaux vers Jupiter. Dix-huit mois plus tard, les astronautes David Bowman et Frank Poole font route vers Jupiter à bord du Discovery. Les deux hommes vaquent sereinement à leurs tâches quotidiennes sous le contrôle de HAL 9000, un ordinateur exceptionnel doué d’intelligence et de parole. Cependant, HAL, sans doute plus humain que ses maîtres, commence à donner des signes d’inquiétude : à quoi rime cette mission et que risque-t-on de découvrir sur Jupiter ?
Critique : « Le silence de ces espaces infinis m’effraie. » Il y a d’étranges échos de cette formule de Pascal dans le début de 2001 : l’odyssée de l’espace, dont les premières minutes se contentent d’un écran noir qui laisse l’entière place aux scintillements sonores de la musique de Ligeti. Dès l’ouverture réelle, qui fait entrer en collision les notes initiales d’un poème symphonique grandiose et l’alignement de planètes dans la lumière du soleil, nous sommes projetés du minimalisme monochrome à l’espace intersidéral, et se dessine là une idée assez juste du programme intense qui attend le spectateur.
- Copyrights : MGM & Warner Bros Ltd, All rights reserved
Derrière sa réputation de premier grand long-métrage de science-fiction de l’histoire, le film est en effet davantage une expérience d’abstraction métaphysique qu’une œuvre de genre. Précisément, Kubrick parvient à asseoir tout un ensemble de codes précis - mise en valeur de la beauté technologique, disproportion de l’homme par rapport au vaisseau et à l’espace... - sans jamais tomber dans les affres de la caricature ou pire, le risque de se démoder. Quarante ans après sa sortie, tout en étant entièrement passé à côté des évolutions de la technique, l’univers du cinéaste est toujours aussi crédible dans sa cohérence et son esthétique propres. C’est ce caractère d’universalité qui constitue d’ailleurs le propos central : le monolithe tant de fois parodié traverse la chronologie du récit, depuis ce qui est présenté comme « l’aube de l’humanité » jusqu’à un « au-delà de l’infini » incertain et contradictoire. 2001 : l’odyssée de l’espace est une méditation peu bavarde et par là troublante, comme si le spectateur parvenait à se retrouver isolé face au cosmos.
- Copyrights : MGM & Warner Bros Ltd, All rights reserved
Le voyage spatial de Kubrick comporte en effet un pouvoir certain d’envoûtement. Pour peu que l’on accepte de se laisser glisser dans le rythme, ce dernier combine les tempos et les atmosphères dont il suffit de suivre le cours. Jamais l’action représentée n’est spectaculaire en elle-même : on voit les astronautes dessiner, manger, écouter les messages de leurs proches... Pourtant, chaque plan contient sa particularité esthétique et dynamique, sublimée par le format large choisi par le réalisateur. Même si l’on retrouve ce goût de la composition étudiée et minutée à la perfection dans les autres œuvres du cinéaste (notamment le virtuose Orange mécanique), c’est peut-être ici que Kubrick signe une véritable partition musicale, avec ses lignes et ses contrepoints. Le pari était audacieux, car le résultat s’affranchit à plusieurs reprises des nécessités narratives classiques, pour prendre la tangente de l’hermétisme. Cependant, le film, sorti moins d’un an avant la réussite de l’expédition Apollo 13 sur la Lune en plein contexte de guerre froide, fut interprété comme une célébration de la conquête spatiale américaine. Pour envoyer une réponse sur ce domaine, les Soviétiques commandèrent à Andrei Tarkovski son Solaris... qu’il fit tout aussi métaphysique et éloigné des idéologies dominantes que son confrère américain. Ironie de l’histoire du cinéma ? Les grands esprits se rencontrent, mais ne sont pas toujours forcément bien compris.
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
JIPI 11 mai 2012
2001 : l’odyssée de l’espace - Stanley Kubrick - critique
L’œuvre est reposante, lancinante, intensément interminable. Une eau de jouvence , un long sommeil battant à l’unisson d’un requiem de György Ligeti propulsant lentement sans espoir de retour deux privilégiés scrutés par un complexe électronique en manque de reconnaissance.
Un concept évolutif inconnu activé par une éclipse traversant le temps rapproche le primate de l’homme du ciel. L’os devenu machine à tuer envoie dans les airs les rudiments d’un instinct fragile que l’homme devra transformer d’époques en époques en raison tout en faisant évoluer un outil de recherche le plongeant vers la quête de ses origines.
Une intelligence supérieure invisible entretient degré par degré nos perceptions instinctives devenues sens vers une finalité semblant se répéter, une panoplie destructrice dont la machine s’inspire de plus en plus.
Quel est notre destin ? Ne serions-nous que des cobayes de laboratoires expérimentaux contingents, cloués au sol, testant l’intégralité d’une combinatoire sans fin.
Une meute scénarisée comme du bétail dans un roman nommé histoire en attendant qu’un privilégié découvre la porte des étoiles et nous livre enfin une identité.
"2001 Odyssée de l’espace » est un majestueux saut de puce dans l’espace et le temps, un impact temporel scientifique en plein devenir offrant à l’aube d’un troisième millénaire la perspective de quelques verstes parcourues rapprochant l’homme de son géniteur universel..
birulune 6 juin 2018
2001 : l’odyssée de l’espace - Stanley Kubrick - critique
Waouh. Bonne critique. Celle de Jipi aussi, en plus lyrique. Interstellar fait le procès des détracteurs d’Appollo 11 (alunissage ou pas ?) mais 50 ans après 2001 l’odyssée de l’espace reste le must philosophico-sf du genre. On se croirait vraiment dans l’espace grâce à un effet qui n’est pas spécial : le silence. Et tout ce noir. Ce vide. C’est Gravity avant l’heure (l’esseulement total propice à la réflexion) et on l’apprend en cours de philo : l’angle droit n’existe pas dans la nature, alors peu importe qui est le concepteur du monolithe, ni même le message de celui-ci (on pourrait pas le comprendre) on touche à la perfection, au divin, tant au niveau du fond que de la forme : une telle maîtrise pour un gars qui a adapté le brûlot de Nabokov, incroyable.
C’est chiant.
Mais incroyable.
Et Hall 9000 est une métaphore de l’accès à la conscience telle que c’est décrit dans les livres de philosophie. C’est une métaphore vivante de textes érudits. Fallait oser.
La musique fait le reste. On flirte avec le ridicule dans ce film qui se prend trop au sérieux alors la musique (gaie) désamorce le côté extrèmement didactique du film puis dans une autre scène la musique devient grandiloquente et on sent nos poils se dresser par l’émotion TOUT Y EST
A cette époque on faisait pas des films surtout pour les enfants ou les grands enfants on faisait des films un point c’est tout.